[Level up] Le forum passe au niveau 6
dans Annonces officielles (18 réponses)
Publié par Valk, le 21 January 2020 - 22:53
dans Made in fan (9 réponses)
Publié par Ophaniel, le 10 January 2020 - 12:28
Création de texte - Vos répliques favorites
dans Made in fan (11 réponses)
Publié par Heretoc, le 24 October 2019 - 18:12
[NÉOGICIA] Une teinte terne et métallique
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Scène bonus #3 – Alors qu’en penses-tu Darren ? – C’est une robe de soirée, répondit le jeune homme d’un ton plat. Qualifiée de jolie suivant les standards de la Société. Sur un mannequin reposait effectivement une toilette bleu céruléen. Des voiles superposées cachaient élégamment les jambes, des broderies argentées soulignant la fin de chaque pan se terminant par une couture accentuant la taille sans qu’une ceinture ne soit nécessaire. Un décolleté en cercle cachait modestement la poitrine et une partie des épaules, tandis que l’échancrure dans le dos était plus révélatrice. L’ensemble formait un étrange contraste entre le chaste et l’allusif. – Tu peux même employer superbe comme adjectif. – D’accord, acquiesça sans problème Darren. – Le modèle est de Lefregal, fut précisé pour la culture générale du jeune homme. La mode n’était pas un domaine dans lequel Darren était particulièrement versé, mais ce grand nom de la couture ne lui était pas inconnu. – Je ne comprends néanmoins pas ton point Keynn. – Elle est à ta taille, commenta l’Empereur. – Tu veux que je me déguise en fille, conclut Darren ne montrant ni surprise ni outrage devant la requête. – J’ai besoin d’une escorte, expliqua Keynn. – Les mesures habituelles pour ta protection sont insuffisantes. – C’est plutôt pour une mission de reconnaissance, développa le numéro un de l’Empire. – Ça ne pourra pas être discret, releva Darren. N’importe quelle femme à ton bras sera indubitablement scrutée. Tous les regards seront braqués sur elle. – C’est l’objectif. La lumière est parfois la meilleure alliée pour se dissimuler. – C’est vrai, conclut Darren après réflexion. Pourquoi moi ? – Je ne peux pas demander ce genre de service à Skoselth. L’image du corps aux muscles surdéveloppés de Skoselth enveloppé dans la robe céruléenne s’imposa dans l’esprit du jeune homme. Si la représentation le dérangeait, personne n’aurait pu l’affirmer, tant son visage demeurait éternellement impassible. – Il ne serait en effet pas crédible dans ce rôle, acquiesça Darren. Toutefois tu as des femmes teknögrades. – Je n’ai personne de disponible pour ce genre de mission. Il est question d’une apparition éphémère, le temps de quelques soirées. Ta stature actuelle te permettra aisément de passer pour une femme, d’autant plus avec cette coupe qui cachera ou mettra en valeur certains de tes attraits. Et par la suite, une fois que tu auras fini de grandir et pris une carrure plus masculine, personne ne pourra faire le lien entre elle et toi. Cela donnera du pain aux journalistes et occupera l’esprit des gens pour quelques temps par la même occasion. Ta tâche consistera simplement à rester à mes côtés. Je m’occuperai des conversations. Tu peux te charger de cette mission ? – Pour toi, je le ferai, déclara Darren comme une évidence. – Merci, je sais que tu sauras t’en acquitter, répondit Keynn en lui déposant un baiser sur la tempe et en lui ébouriffant les cheveux affectueusement. Le jeune homme accepta le geste de son Empereur sans arborer ni embarras ni plaisir. – Tes résultats pour Memoria sont arrivés, annonça Keynn. Tu es classé soixante-quatrième. – J’ai trop bien réussi ? demanda le jeune homme. – C’est un classement élevé néanmoins tu ne sors pas du lot, lui assura Keynn. Tu aurais certes pu faire moins bien mais ton résultat reste satisfaisant. – Quel est l’objectif de mon intégration à Memoria ? Le jeune homme avait passé les épreuves d’entrée à l’Académie quand son Empereur le lui avait demandé, comme il le lui avait demandé, sans lui demander pourquoi. – Deux raisons. Avoir ton retour sur mon académie et pour te sociabiliser, répondit Keynn. Cela te fera du bien de te mêler à des jeunes de ton âge. – Ils seront tous plus âgés que moi, commenta Darren sans pour autant protester. Il avait juré une obéissance totale à Keynn Lucans et ne se permettrait pas de douter d’un ordre de son suzerain. – La différence est faible et tu es plus mature qu’un adolescent de seize ans, tu t’intégreras sans problème, balaya Keynn d’un geste de la main. Tu t’es renseigné sur Memoria ? – Oui. – Tu as une idée du cursus que tu souhaites prendre ? – Non. Que souhaites-tu que je suive ? – Je n’ai pas de préconisations particulières. Tu es libre de choisir ce qu’il te plaît. C’est l’occasion de compléter ton éducation et de découvrir d’autres domaines. Peut-être serait-il plus profitable pour toi de choisir une autre branche que soldat. Enfin, il te reste encore un semestre pour te décider. – Je réfléchirai à ce qui te sera le plus utile. |
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Mission #4 – Traîtres Le ciel était carné de rosaphir, des gouttes traversaient le dôme de plus en plus fort, les bâtiments s’élevaient toujours plus haut, Centralis se densifiait jour après jour, les mômes braillaient, les mères récupéraient leurs enfants à grands renforts de cris… J’étais d’une excellente humeur. À vrai dire, j’étais rarement de mauvaise humeur, cela demandait trop d’énergie. Je préférais prendre les événements comme ils venaient et en tirer le meilleur parti. Il y avait toujours un point positif même dans la situation la plus désastreuse. Ce jour-ci, j’avais une raison plus particulière d’être joyeux. J’étais en mission avec le gamin. La chance me souriait ! Cela me paraissait une éternité qu’une telle occasion ne se fût présentée. Je poussais la porte de la taverne à laquelle je lui avais donné rendez-vous. Mon regard balaya l’assemblée de néogiciens qui s’étaient réfugiés des mauvais éléments et prenaient maintenant le temps de boire et de papoter. Je repérai le gamin à mon second passage visuel. Il exagérait quand même, il aurait pu me faire signe. Je savais qu’il savait que j’étais là. Je me dirigeai à grandes enjambées vers lui et le saluai d’une bonne frappe sur l’épaule. Cela lui apprendrait à m’ignorer. – Salut gamin ! Il encaissa sans broncher. Sans doute devait-il s’attendre à cette action de ma part. – Puisque tu es là allons-y, me répondit-il en se levant. – Quoi ? Même pas un petit bonjour ? me récriai-je faussement blessé. Et puis je n’ai même pas encore pris un verre. – Bonjour Berkmeër. Tu es en retard. J’ai eu le temps de finir ma sambouillante en t’attendant. Sur ce, allons-y. – Tatata, fis-je. On ne va pas partir si vite. Je t’offre une furiblonde. Et pour appuyer mes propos, je pressai son épaule pour l’encourager à s’asseoir. Il devait lui aussi être dans un bon jour car il se laissa faire et ne protesta pas. Enfin, le gamin ne protestait jamais. Il faisait ou il ne faisait pas. Il ne perdait pas de temps à discutailler. Je commandai deux furiblondes et commençai la conversation. Ce n’était pas le gamin qui le ferait. S’il n’ignorait personne et répondait à toutes les questions, il n’était pas bavard. Il n’initiait une discussion que s’il y trouvait un intérêt. – Alors gamin, ça fait un bail qu’est-ce que tu deviens ? – Toujours la même chose, répondit-il laconique. – Tu n’as toujours pas de copine ? – Non. – Ou de copain ? – Non. – Un smourbiff peut-être ? – Non. – Un gamin de ton âge a forcément quelqu’un. – Non. – Tu peux bien le dire à ton oncle préféré. – Non. – Non tu ne veux pas me le dire ou non je ne suis pas ton oncle préféré ? – Berkmeër, il ne s’est rien passé de particulier depuis la dernière fois que je t’ai vu. Ma situation n’a en rien changé. Je n’ai donc rien à te raconter. Il éludait ma question… – Qui est ton oncle préféré ? insistai-je donc. – Pour autant que je m’en souvienne, je n’ai pas d’oncle. – Allez, tu sais très bien de quoi je veux parler. Comme il ne répondait pas, je poursuivis : – Tu peux me le dire juste à moi, je ne le répèterai à personne. – Menteur. – Quoi ? Tu ne me fais pas confiance ? – Pas avec ce genre d’information. J’ai fini. Allons-y. Et s’en rien ajouter de plus il se leva. Je me dépêchai de finir ma furiblonde. Je savais que cette fois il ne m’attendrait pas. – Pas la peine d’être si pressé de retourner sous la pluie gamin, m’exclamai-je en le poursuivant. L’averse était encore plus drue qu’à mon arrivée. Je m’empressai de mettre ma capuche pour éviter d’être complètement douché. – Pour une fois que la mission n’est pas urgente, on pourrait prendre un peu le temps de discuter, commentai-je. – Tu sais bien que ce n’est pas mon point fort, me répondit le gamin. Je pris cette intervention avec positivité. Il m’avait parlé sans que je ne lui posasse une question. – Sérieusement, tu as quelqu’un à qui te confier ? m’enquis-je. – Toi comme moi sommes tenus au plus grand secret, me rappela-t-il. « Me confier » n’est pas acceptable. – Je ne te parle pas de livrer les secrets de l’Empire, le corrigeai-je. Simplement d’avoir quelqu’un à qui parler, à qui confier tes tracas quotidiens. Et puis, si vraiment ça entre dans le confidentiel, tu nous as nous. Tu es des nôtres, gamin, mais tu es encore jeune. – Vu que vous m’appelez tous gamin, je ne risque pas de l’oublier. – Même dans cinquante ans tu seras toujours notre gamin, ris-je. – Je n’en doute pas. Il affichait un léger sourire, alors je n’insistai pas. – Après notre ballade, ça te dit de venir dîner chez moi ? offris-je. – Si tes placards sont aussi vides que d’habitude, on ne risque pas de manger grand-chose, commenta le gamin. – Suffit de faire les courses avant, contrai-je. – Je n’ai rien de prévu, m’informa-t-il ce que je pris pour une réponse affirmative. – Super ! Tu pourras nous faire ton ragoût de brouton ! Le ragoût du gamin était génialissime. Quand le morceau de viande parfaitement cuit fondait en bouche libérant tous les arômes… J’en salivai rien que d’y penser. – Si on ne rentre pas trop tard, accepta-t-il. Il faut une heure de cuisson sans compter la préparation. Génial ! J’aurais même des restes pour la semaine. – Qu’attendons-nous ? Accélérons ! me réjouis-je. Ce qui était bien avec le gamin, c’était qu’il n’était pas du genre à faire des commentaires inutiles. Il ne prendrait donc pas la peine de me remontrer que c’était moi qui traînais depuis le début de cette affaire. – Je me demande quand même pourquoi Keynn nous envoie nous plutôt qu’une simple patrouille, songeai-je à voix haute. – Beaucoup d’incidents ont eu lieu dernièrement, même si les patrouilles habituelles n’ont rien relevé d’anormal, commenta le gamin. Keynn pense qu’il y a plus derrière ces incidents d’apparence anodine. – Nox doit également être à la ramasse… – Je l’ignore. Je ne me mêle plus de ses affaires. Je grimaçai de sympathie. On sentait à son ton que le gamin gardait une rancœur particulière pour le numéro deux de l’Empire. Connaissant leur passif commun, il n’y avait rien d’étonnant à cela. Peu de personnes appréciaient le frère de l’Empereur de manière générale, le gamin avait une raison personnelle. Je ne pensais pas qu’il lui pardonnerait un jour, fût-ce dans cinquante ou mille ans. Avec la pluie qui tombait sur le pavé, je faillis ne pas l’entendre. Le bruit d’une gâchette qu’on pressait. Je me jetai à terre, observant le gamin faire de même. Nous roulâmes sur le côté pour éviter le déluge de balles et prîmes abris dans une ruelle adjacente. Quelqu’un nous y attendait. Le gamin dévia son arme d’un coup de pied puis je le maîtrisai facilement, utilisant une paire de menottes pour l’attacher à un poteau commodément situé. Le gamin n’avait pas attendu de voir le résultat de l’opération, me faisant entièrement confiance pour gérer la situation. Il était retourné au coin de la rue et avait déployé son sniper, habituellement dans son dos et plié en trois parties. Une arme d’une excellente qualité. Il l’avait conçue et fabriquée lui-même. Malgré le mauvais temps, des cris de douleurs parvinrent jusqu’à nous. Le gamin devait faire bons nombres de dégâts dans le camp d’en face. L’inconvénient de son fusil était qu’il utilisait des projectiles en métal plutôt que de la rosaphir. Le gamin devait donc recharger entre chaque tir. Puis il cessa. – J’en ai compté cinq, m’informa-t-il. Trois sont touchés. Un d’entre eux est mort. Le deuxième est grièvement blessé, peu de chance qu’il soit encore une nuisance. Le dernier est touché à l’épaule. Il est diminué mais encore opérationnel. Pour l’instant ils se sont repliés. – Ok. Garde un œil sur les environs pendant que j’interroge notre prisonnier, décidai-je. Notre prisonnier n’avait pas grand-chose à révéler. En revanche, il avait beaucoup de revendication et une forte opinion sur la manière dont l’Empereur gérait notre faction. – Rien d’intéressant à en tirer, conclus-je. Je préviens une patrouille pour qu’ils viennent le récupérer. Et de ton côté gamin ? – Vous osez utiliser des enfants ?! se révolta notre prisonnier. Je l’assommai d’un coup sur la tempe pour le faire taire. – Ils n’ont pas bougé, répondit le gamin. Soit ils espèrent des renforts, soit ils vont tenter une action désespérée. Probablement pour récupérer l’autre. – Allons les cueillir dans ce cas, souris-je férocement. – Je te couvre, acquiesça le gamin. Je leur tombai dessus sans qu’ils ne s’y attendissent le moins du monde. La récolte fut bonne, les fruits mûrs à point. Comme promis par le gamin, l’un d’eux ne respirait plus et un autre ne tarderait pas à rejoindre son copain si la tache de sang qui s’étalait sur ses vêtements était d’une quelconque indication. Le dernier à avoir reçu une balle n’était en revanche absolument pas opérationnel. Il aurait pu l’être s’il ne geignait pas pitoyablement en s’accablant sur sa blessure. – Une triste équipe qui nous attaque, commentai-je. Je pensais au moins qu’on en aurait des bons. – Ce sera pour un autre traquenard, fit le gamin cynique. – La patrouille ne devrait pas tarder, on continue ? Il hocha la tête et nous reprîmes notre promenade comme si rien ne s’était passé. Après tout, cette escarmouche n’avait été que broutille. |
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Notre second accrochage fut assez similaire au premier. À vrai dire, tout se déroula même plus tranquillement et une dizaine de personnes furent arrêtées. Aucune nouvelle information ne fut récupérée. – Je ne sais pas ce que je trouve le plus aggravant, commentai-je. Que Keynn nous ait mis sur une mission pareille ou qu’on se soit déjà fait agressé deux fois en moins d’une heure. Au moins la pluie à l’air de cesser. Il ne tombait plus que quelques gouttes clairsemées. Le gamin me poussa soudainement sur le côté. Je ne cherchai pas à résister et laissai mon corps choir avant de rouler. – Idiot ! Tu aurais pu blesser le gamin ! s’énerva une voix bien connue qui me fit bouillir de rage. – Lizla, rageai-je entre mes dents. – Mais de quel gamin elle parle ? demanda l’un de ses compagnons. Je ne vois pas d’enfant. – Elle doit faire référence au plus jeune, conclut un autre. Nous avions beau appeler Darren « gamin », il était un adulte à présent, même s’il devait pouvoir encore se faire passer pour un adolescent s’il le souhaitait. – Rendez-vous sans résistance, les somma Darren sans se préoccuper des commentaires. Il avait sorti un petit calibre, alimenté lui par de la rosaphir contrairement à son sniper plus encombrant qu’utile à courte portée. Quoiqu’à réflexion, je l’avais déjà vu le manier avec une grande dextérité dans une mêlée. – Allons gamin, répondit Lizla, tu n’en as pas assez de suivre bêtement les ordres de Keynn ? Regarde-toi, tu es trempé jusqu’aux os. Et tout ça pour quoi ? Pour un homme qui t’utilise depuis toujours comme un vulgaire pion. – Ma place me convient, déclara le gamin. – Vraiment ? insista Lizla. Tu lui as toujours tout donné sans rien recevoir en retour. Inutile de le nier. Il s’est bien plus servi de toi qu’il ne t’a apporté. Tout juste en a-t-il donné l’illusion. Mais tu es un garçon intelligent. Tu l’as déjà noté, n’est-ce pas ? Werven… – Laisse le gamin en-dehors de tes perfidies traîtresse ! crachai-je, ne pouvant finalement plus me contenir. – Mais c’est exactement ce que je suis en train de lui proposer, me contra-t-elle. Un endroit sûr où il n’aura pas à se battre tous les jours pour assurer sa survie. Gamin, je sais que depuis tout petit tu te bats jour après jour pour avoir le droit à une existence. Je suis désolée d’être partie si vite. J’aurais dû t’emmener avec moi. Mais ils t’avaient mis hors de ma portée. Aujourd’hui, tu peux finalement me rejoindre. Je te protégerai. Tu sais que je n’ai jamais voulu que ton bien. Je t’ai appris à lire et à écrire pendant qu’eux faisaient de toi une arme. – Balivernes, intervins-je. On a toujours pris soin du gamin et il le sait. Pas vrai gamin ? Comme si le gamin allait avaler de pareils arguments. Cette pauvre Lizla était complètement désillusionnée. Je me tournai quand même surpris vers le gamin devant l’absence d’une négation rapide. – Gamin ? l’interrogeai-je soudainement anxieux. Tu… Tu ne vas quand même pas la croire ? Tu sais qu’on tient à toi pas vrai ? Qu’on ne te considère pas comme une arme ? Une expression de doute passa fugacement sur le visage du gamin. Lui qui n’affichait jamais ses émotions, cette trace infime était chez lui la divulgation d’un profond sentiment. – Je… hésita le gamin. – Oh ! Gamin ! Tu ne vas pas partir avec elle quand même ? l’interpelai-je désespéré. – Bien sûr que si, répondit la traîtresse. C’est un garçon intelligent qui sait reconnaître une opportunité. Laisse-moi te libérer de tes chaînes, gamin. Il fit un pas vers elle. Ma respiration se bloqua. Il pivota sa tête vers moi. « Reste, » priai-je. « Ne fais pas ça. » Les mots restèrent coincés dans ma gorge. Il se détourna et continua vers elle. – Non… Non. Non ! Mon hurlement déchira l’étrange silence qui s’était installé. Je sortis un couteau. Je ne pouvais pas le laisser partir. Il me tournait le dos, se tenant entre Lizla et moi. Mon bras trembla. Il avait choisi de trahir. Je devais l’éliminer. C’était mon devoir. J’étais incapable de lui faire du mal. Il s’éloigna dans le noir auprès d’une Lizla victorieuse qui n’en profita même pas pour se débarrasser de moi alors que j’étais dans une position de faiblesse. Je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas sa décision. Je le croyais bien avec nous. Il était l’un des nôtres. Comment avait-il pu nous tourner le dos ainsi ? Je le connaissais. Une fois sa décision prise, il ne revenait jamais dessus. Il nous avait abandonné. J’aurais dû être en colère, comme lorsque j’avais appris que Lizla nous avait trahi. Mais cette fois, c’était le gamin dont il s’agissait. J’étais encore plus en colère contre Lizla. J’étais en colère contre moi-même pour n’avoir rien vu venir, rien perçu, et pas su le retenir. Cependant, face au comportement du gamin j’étais juste… désemparé. Et à présent, qu’étais-je censé faire ? Keynn. Je devais prévenir Keynn. C’était la procédure à suivre. Je pouvais au moins encore suivre une procédure, non ? Je sortis mon réceptron. J’écrivis un simple message : Le gamin a trahi. Il me fut impossible d’appuyer sur le bouton d’envoi. Je n’y croyais toujours pas. C’était impossible. Keynn le croirait-il ? Je rangeai mon réceptron. Il me fallait lui annoncer en face à face. J’avais besoin de lui annoncer de vive voix que son plus jeune teknögrade avait déserté l’Empire. Que la confiance qu’il avait placée en lui était erronée. Je pris machinalement la direction de l’Œil. Le premier venu aurait pu m’attaquer que j’aurais été incapable de me défendre. Je mettais simplement un pied devant l’autre et je recommençais, hagard. C’était pire qu’un cauchemar. Le trajet me parut interminable. Pourtant, je fus surpris lorsque les portes du bureau de Keynn s’ouvrirent devant moi. L’Empereur était affairé avec trois livres ouverts, des piles de documents qui s’entassaient et quatre tablettes numériques, sans compter sa visière qui affichait en continu un flot d’informations. – Bonjour Berkmeër, me salua-t-il sans lever les yeux de son travail. Mes lèvres s’entrouvrirent plusieurs fois sans émettre un bruit. Finalement, surpris par mon silence, Keynn s’intéressa plus directement à moi, son regard acier se posant sur ma personne, m’analysant. – Quel est le souci Berkmeër ? s’enquit-il. Je devais tirer une drôle d’expression. – Le… Le gamin… balbutiai-je sans pouvoir aller plus loin. – Il lui est arrivé quelque chose ? s’inquiéta aussitôt Keynn. Les mots restèrent coincés dans ma gorge. J’avais envie de vomir. J’avais trop chaud. J’étais gelé. Ma salive s’accumulait dans ma bouche. Je ne m’étais jamais senti aussi mal de toute ma vie. – Assis-toi, me proposa Keynn avec sollicitude. Tu veux boire quelque chose ? Je répondis par la négative d’un signe de tête. Le pire était de savoir que Keynn devait être rongé par l’inquiétude par rapport au gamin. Alors que le gamin… – Il est parti… laissai-je finalement échapper. – Parti ? répéta Keynn sans comprendre. Ma respiration se fit haletante. J’étouffai. C’était comme si l’air était devenu incapable de rentrer jusque dans mes poumons, restant bloqué dans ma trachée. – Berkmeër, qu’est-ce que tu entends par « parti » ? insista Keynn. – Avec Lizla. Le gamin a trahi. La pièce s’était mise à tourner. – Je vois, répondit Keynn en se détournant. Il retourna derrière son bureau. – Et bien c’est un adulte maintenant, commenta-t-il. Il est capable de prendre ses propres décisions. Ses mots me firent l’effet d’un électrochoc et le sol sembla retrouver sa place horizontale. – Keynn ? demandai-je incertain. Pour qu’il sortît de tels propos, il devait être complètement perdu. – Je… Est-ce que tu peux prévenir les autres Berkmeër ? Il ne faudrait pas qu’ils soient attirés dans un piège. – À vos ordres, acquiesçai-je par automatisme. – Ce sera tout, merci, me congédia Keynn comme je ne bougeais pas. Je partis le cœur lourd, laissant mon suzerain digérer la nouvelle. Il semblait être retourné à sa tâche précédente, mais je doutais qu'il absorbât le moindre mot. Édité le 16 March 2021 - 22:03 par Epsilone |
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Je me trainai misérablement jusqu’à mon appartement et me laissai choir sur mon canapé. Je ressortis mon réceptron. Comment étais-je censé leur dire ? Le gamin a trahi. Il n’y avait pas d’autres manières. J’appuyai sur la touche envoi. Les réactions ne tardèrent pas. Elle est nulle ta blague. Myöra J’aurais aimé que ce ne fût qu’une mauvaise farce. Juste pour clarifier, c’est bien de Darren Merryl dont il est question ? Nox Lucans Je répondis au numéro deux de l’Empire par l’affirmative. Tu as dû faire une erreur. Ce ne peut être lui. Pleÿna Ce n’était pas une erreur. J’étais avec lui. Qu’est-ce que t’as foutu avec le gamin ? Skoselth Rien. Tout était normal jusqu’à ce que mon monde se brisât en mille morceaux. Le Darren Merryl qui suit toujours Keynn ? Nox Lucans Il semblerait que même celui qui œuvrait dans l’ombre pour démasquer les traîtres et les complots, fût incapable d’accepter la désertion du gamin. C’est impossible. Pas le gamin. Gretz N’importe qui. N’importe qui mais pas lui. Bordel Berkmeër ! Je sais pas ce que t’as foutu avec le gamin mais tu vas me le payer ! Je suis sûr que c’est de ta faute ! Débrouille-toi comme tu veux mais je refuse que le gamin soit perdu ! Risdam Je ferai n’importe quoi pour récupérer le gamin. N’importe quoi. Où est-il à présent ? Kjora Avec cette traîtresse de Lizla. Non contente de nous avoir planté un couteau dans le dos il y avait trois ans de cela, elle nous volait maintenant notre gamin. Il faut le retrouver. Ce n’est qu’une erreur. Il s’est un peu perdu en chemin, c’est tout. Il faut lui parler. Il reviendra. Mykène Le gamin ne revenait jamais sur ses décisions. Le gamin ? Mais de qui parles-tu ? Akrayn Ah. Akrayn n’était teknögrade de rang un que depuis deux semaines. Il n’avait visiblement pas eu le temps de faire connaissance avec le gamin. Cela ne signifiait rien pour lui. Pour la première fois depuis longtemps, des larmes quittèrent mes yeux et je m’abandonnai à la tristesse. Le temps continua de s’écouler. Pourquoi ce serait-il arrêté ? Mes missions reprirent mais j’étais incapable de combler ce vide dans mon cœur. Quand j’avais du temps libre, je retournais là où j’avais perdu le gamin. J’errai, espérant une trace, un signe. Mais il n’y avait jamais rien. Je me retrouvai soudainement projeté contre le mur. Je n’eus pas le temps de reprendre ma respiration que déjà un coup de poing s’abattait sur mon visage. Mon bras encaissa une grande partie du choc mais déjà mon agresseur prenait ma tête pour la fracasser contre le sol. – Arrête Hamelin tu es fou ! Je reconnus la voix de Kjora. Et apparemment c’était Hamelin qui avait décidé de me sauter dessus. Ce qui expliquerait pourquoi je m’étais fait assaillir au cœur de l’Œil, centre névralgique de notre capitale. – C’est à cause de lui qu’on a perdu le gamin ! s’énerva Hamelin. – Ce n’est pas de sa faute si le gamin est parti, temporisa Kjora. – Je n’ai pas su le retenir, murmurai-je misérable. À réflexion, je préférais quand Hamelin me frappait. Au moins quelqu’un trouvait-il normal de me punir. – Berkmeër, ce n’est pas de ta faute, insista Kjora. Et puis venez tous les deux. Un hall n’est pas un lieu pour avoir une telle discussion. On attire bien trop l’attention. En effet, tous les néogiciens s’étaient arrêtés pour voir une altercation à laquelle ils ne devaient rien comprendre. Kjora me remit sur pieds de force et commença à nous traîner Hamelin et moi vers un endroit plus privé. – Une minute, nous interpela-t-on. Où comptez-vous allez comme ça ? Et voilà maintenant que le service d’ordre débarquait. – Attendez-moi là, nous ordonna Kjora. Et pas de bêtise. Sinon je vous colle tous les deux en cellule. Puis elle se dirigea avec un sourire aimable vers la patrouille, probablement pour leur expliquer qu’elle était teknögrade, qu’elle avait la situation en main et que leurs services n’étaient pas requis. Probablement pas pour nous dédouaner Hamelin et moi. Surtout si elle comptait mettre sa menace à exécution et nous faire enfermer. À côté de moi, Hamelin fulminait silencieusement. Je sentais les ondes négatives émaner de son corps pour venir se ficher en moi sans même le regarder. S’il avait pu m’incendier d’un seul regard alors je n’aurais été plus que cendres, me consumant spontanément. – Problème réglé, déclara Kjora avec un sourire carnassier. Vu la tête des gars, je m’interrogeai grandement sur sa méthodologie. Cependant, j’étais trop las, trop vide, pour m’en soucier. Kjora prit un bras à chacun d’entre nous avant de nous traîner dans son sillage. Elle nous poussa finalement dans un salon inoccupé dont elle verrouilla la porte avec son grade. Désormais, seuls l’un des nôtres, Keynn ou Nox pouvaient entrer. – Hamelin, ça ne sert strictement à rien de frapper Berkmeër, commença Kjora. Je me serais pris avec joie tous les coups d’Olydri si cela avait pu résoudre quoi que ce fût. – Donc fais les cent pas si tu veux, mais laisse Berkmeër tranquille, conclut Kjora. Hamelin entreprit d’user la moquette bleu roi, n’arrivant visiblement pas à se canaliser autrement. – Berkmeër, se tourna vers moi Kjora. Arrête cette tête de dépressif. Où sont passés ta bonne humeur et ton éternel optimisme ? – Partis avec le gamin, soupirai-je en me laissant tomber sur un canapé. On avait plutôt tendance à me reprocher mon caractère habituel. Les gens ne comprenaient pas ce que je pouvais trouver de bien en toute situation, comment je pouvais sourire quand tout le monde pleurait. En ce jour, je ne me comprenais pas non plus. – Berkmeër, reprit Kjora plus doucement comme si elle s’adressait à un animal blessé. Que s’est-il passé avec le gamin ? Je relatai mot pour mot ce qu’il s’était dit. Geste par geste ce qu’il s’était passé. Expression par expression ce qu’il s’était exprimé. Ce n’était pas compliqué. Cela faisait deux semaines que je me repassais la scène en boucle. Deux semaines que je me demandais ce que j’aurais pu faire de différent. Deux semaines que le gamin était parti. – Ce n’est peut-être qu’une crise d’adolescence, tenta de relativiser Kjora. – Il a vingt-cinq ans, soufflai-je exaspéré. – Et bien quoi ? Il ne nous a jamais causé de problème, c’est juste arrivé tardivement c’est tout. – Kjora, intervint Hamelin qui n’avait rien dit jusqu’à présent, tu sais aussi bien que nous que si le gamin s’est laissé convaincre par Lizla, c’est qu’il était déjà convaincu avant qu’elle ne lui parle. – Non, se révolta Kjora. Je refuse de croire que le gamin puisse penser qu’on ne le considère que comme une arme, qu’on se soit servi de lui comme d’un pion. – Il n’a jamais été du genre à être influencé, la contra Hamelin. – Qu’est-ce que Keynn a dit quand tu lui as annoncé la nouvelle ? me demanda Kjora. – Pas grand-chose, avouai-je. Il a été pris de court. Comme nous. Il m’a demandé de le laisser seul. Je ne l’ai pas revu depuis. – Ce n’est pas de ta faute Berkmeër, déclara Hamelin. – Dis celui qui voulait me fracasser le crâne il y a moins d’une heure, ironisai-je sans joie. – Je suis désolé. Je me suis laissé emporter, s’excusa-t-il sincèrement. Mais je te le répète, ce n’est pas de ta faute. Ce n’était que le fruit du hasard qui a fait que tu étais avec le gamin quand il est parti. Cela aurait pu être n’importe lequel d’entre nous. Tout comme il y aurait pu ne pas y avoir de témoin. – J’aimerais te croire, répondis-je. Mais j’étais là. J’étais là et je n’ai pas su le retenir. Un cri de rage s’échappa de Kjora qui fit voler en éclats une table basse, son poing se fracassant implacablement dessus. Il était étrange de voir comment au fil de mes explications Hamelin s’était calmé tandis que Kjora s’était échauffé. – Le gamin n’est pas mort ! déclara-t-elle. Il est juste un peu perdu mais il rentrera à la maison ! Je pars le chercher. – Ça fait deux semaines que je le cherche, indiquai-je. Je n’en ai pas trouvé la moindre trace. – C’est que tu n’as pas assez cherché. Sur ces mots, elle quitta la pièce. – Je vais mener ma propre enquête, m’annonça Hamelin. Si tu as du nouveau, tiens-moi au courant. Je n’avais aucun espoir que l’un ou l’autre accomplît quoi que ce fût. Pas quand tous les chemins m’avaient mené à l’abysse. |
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Trois semaines s’écoulèrent encore avant que nous ayons des nouvelles du gamin. Et pas de la meilleure manière qui soit. Alerte ! Intrusion dans le niveau moins trois cent soixante-cinq de l’Œil. Comment ces insurgés avaient-ils pu se rendre dans un endroit aussi sécurisé sans que quiconque ne s’en aperçût avant ? Je les ai en visuel. Le gamin est avec eux. Gretz Évidemment. Le gamin n’était pas parti depuis si longtemps que la sécurité ou les lieux aient évolué. C’était lui qui les avait guidés. J’étais moi aussi présent dans l’Œil à ce moment mais au niveau moins cinquante-deux. Je n’avais pas une minute à perdre. Je savais déjà que les autres teknögrades avaient reçu la même information. Ce qui m’inquiétait, c’était les soldats responsables de la sécurité. Eux, ils ne connaissaient pas le gamin. Ils n’hésiteraient pas à l’abattre. Et cela, je ne le supporterais pas. Lorsque j’arrivai, des tirs volaient en tous sens. Je me mis à couvert et me rapprochai de Gretz, déjà présent. – Quelle est la situation ? m’enquis-je. – Tu vois cette porte ? Si une partie des intrus concentraient leurs tirs sur nous, l’autre semblait décidée à abattre la dite porte. – Qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté ? demandai-je. – Keynn. Je jurai. – Je suppose qu’il n’y a pas d’autres issues ? m’intéressai-je. – Non, me répondit-il sans surprise. Et ils auront plus vite fait de défoncer la porte que nous de faire un trou dans l’une de ces parois. – Comment ont-ils su que Keynn était là ? – Aucune idée. – C’est le gamin, intervint Jerkül. Il s’est introduit dans notre système de sécurité et a analysé les images pour retrouver Keynn. – Quoi ? Il sait faire ça ? m’étonnai-je. – Apparemment, fit Gretz laconique. C’est Pleÿna qui a dû lui apprendre. – Elle ou un autre, m’exaspérai-je. Je n’en reviens pas qu’il soit prêt à tuer Keynn. Déserter est une chose, mais qu’il aille directement contre Keynn, contre nous ? – Lizla est présente elle aussi, m’informa Gretz. – Manquerai plus qu’elle envoie le gamin au casse-pipe en restant bien à l’abri, marmonnai-je. – C’est dommage cette traînée d’alcool, soupira Jerkül. – Si tu pouvais éviter de nous faire tous sauter, ça m’arrangerait, déclara Gretz. Jerkül était un spécialiste des explosifs. Et une large mare transparente était répandue non loin de nous. Des intrus essayaient d’ailleurs sans succès d’y mettre le feu. En revanche, si Jerkül lançait un de ses explosifs dans un espace aussi réduit, des éclats retomberaient forcément dedans et y mettraient assurément le feu. – Comment c’est arrivé ici ? demandai-je. – C’est le gamin qui l’a versé, répondit Gretz. Le gamin nous connaissait trop bien. Et en pénétrant le système de sécurité, il avait dû voir qui était présent et qui répondrait le plus rapidement à l’attaque. Notre plus gros problème, c’était que nous étions ceux qui l’avaient formé. Il savait comment nous fonctionnions, tandis que nous ne connaissions qu’une partie de ses compétences. La porte céda sous les cris de victoire des assaillants. Ce qu’ils n’avaient sans doute pas prévus en revanche, c’était de recevoir un retour de feu. La porte tombée, Keynn, ou qui que ce fût à l’intérieur avec lui, avait immédiatement tiré, abattant ou blessant quatre rebelles avant qu’ils ne se repliassent. Keynn profita de ce léger moment de panique et de confusion pour sortir seul. S’il y avait d’autres personnes avec lui, elles ne devaient pas être des combattants et probablement plus en sécurité à l’intérieur, puisque c’était l’Empereur qui était l’objet de cette attaque. Pendant que les intrus se réorganisaient, nous couvrîmes la retraite de Keynn qui réussit presque miraculeusement à rejoindre nos lignes sans se faire toucher. – Vous allez bien Monsieur ? s’enquit Gretz. – Pas une égratignure, répondit Keynn. – Berkmeër et Jerkül vont vous évacuer vers… – Hors de question, le coupa notre suzerain. – Monsieur, insista Gretz, il n’est pas prudent de… Il s’arrêta en plein milieu de sa phrase pour plaquer Akrayn au sol. – Qu’est-ce que tu fous ?! lui hurla Gretz. – Toi qu’est-ce que tu fais ?! lui reprocha Akrayn. – Tu as failli toucher le gamin ! – Le gamin ? C’est un traître ! Tu es de quel côté ?! – Le premier qui blesse le gamin je lui refais son portrait ! menaça Risdam. Mis à part Akrayn, les autres teknögrades de rang un présents émirent un sentiment d’assentiment avec les mots de Risdam. Le reste des soldats, qui ne comprenaient absolument pas ce qu’il se passait, était complètement perdu avec ces contre-ordres. – Nous voilà bien… murmura Keynn. Pourvu qu’il ne nous ordonnât pas de tuer le gamin. Pitié. J’ignorais ce que je ferais dans ce cas-là. Je servais Keynn avec dévotion depuis des dizaines d’années, j’avais fait des tâches pas nettes pour lui, me salissant sans hésiter, mais ça, c’était une opération que je ne pouvais pas accomplir. Que je ne pouvais même pas se laisser dérouler sous mes yeux. Les tirs cessèrent. Le gamin était à découvert. Comprenant que nous ne tirerions pas. Sûr de son invulnérabilité. – Monsieur ? demanda un soldat. – Ne tirez pas, ordonna Keynn à mon plus grand soulagement. Vu les quelques soupirs que je surpris autour de moi, je n’étais pas le seul. Néanmoins, cela laissait le champ libre au gamin et à nos ennemis. Lizla profita d’ailleurs de notre cessez le feu pour sortir elle aussi, prenant bien garde de laisser le gamin entre elle et nous. – Tu avais promis de le protéger et tu l’emmènes en opération ? C’est se moquer du monde, ricanai-je. – Allons Berkmeër, rit la traîtresse, c’est lui qui a insisté pour venir voyons. Si ça n’avait tenu qu’à moi, il serait resté bien à l’abri dans notre camp. Mais tu le connais, il n’aime pas rester inactif trop longtemps. Et puis à réflexion, c’est une bonne chose qu’il soit venu au vu de votre réaction. – J’en reviens pas ! s’énerva Gretz. T’es sérieusement en train de te servir du gamin comme d’un bouclier ?! – Bien sûr que non, voyons, se défendit-elle. Un bouclier est destiné à se prendre des coups. Alors que vous ne porterez pas le moindre coup au gamin, n’est-ce pas ? – Elle va voir celle-là… murmura un homme en mettant en joue le gamin. Jerkül détourna aussitôt son arme. Et le soldat regarda le teknögrade sans comprendre. – Merci Jerkül, déclara-t-elle. C’est bien plus prudent comme ça. Un accident est si vite arrivé. Cette traîtresse osa même alors se mettre à côté du gamin. Elle savait que nous ne risquerions toujours pas de tirer. Elle était suffisamment proche du gamin et lui avait d’excellents réflexes. Il y avait toutes les chances pour qu’il s’interposât entre un tir et elle, qu’il se fît toucher à sa place. Cela ne nous aurait pas surpris qu’il choisît ainsi de se sacrifier. – Bien, je pense que nous allons en rester là, déclara Keynn avec le plus grand calme. Lâchez vos armes et capitulez. Vous n’avez strictement aucune chance. Lizla éclata de rire. – Vous plaisantez j’espère, se moqua-t-elle. Avec le gamin, je n’ai absolument rien à craindre. Gretz neutralisa une nouvelle tentative d’Akrayn de se débarrasser du gamin. – Vous voyez, fit Lizla en désignant les deux hommes. Au final, vos teknögrades travaillent même pour moi. – La ferme traîtresse ! hurla Risdam. – Tu dis que je suis une traîtresse, mais au moins le reconnais-je pleinement. Car n’êtes-vous pas tous en train d’œuvrer contre notre très cher Empereur ? – Je vais te… ! s’énerva Risdam. Il s’arrêta net quand le gamin se rapprocha de Lizla. – Tu ne voudrais pas risquer de blesser le gamin quand même, se moqua-t-elle. – Monsieur ? redemanda un soldat incertain de l’ennemi qu’il devait viser. Keynn lui fit signe de rester tranquille. – Bien, fit Keynn. J’en conclus à un refus d’obtempération. – Vous vous attendiez à quoi… Un hoquet de stupeur interrompit brutalement Lizla qui ne put que baisser les yeux pour contempler la lame qui dépassait maintenant de son torse. – Pourquoi… ? murmura-t-elle en s’effondrant. Le gamin tenait le manche du poignard ensanglanté. – Je te l’ai dit, répondit ce dernier. Ma place me convient. Il appuya sur un détonateur. Des liens sortirent des armes de nos ennemis pour s’entortiller autour d’eux sous leurs cris de panique. – Qu’est-ce que ça veut dire ?! exigea l’un d’eux. – Non… protesta faiblement Lizla avant de s’éteindre. Il semblerait que comme nous, elle ne se fût pas attendue à ce que le gamin se retournât contre elle. Comme nous, elle avait crû que l’allégeance du gamin lui était acquise. Comme nous, elle n’avait rien vu venir. |
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– Merci Darren, déclara Keynn. – Je n’ai pas réussi à récupérer toutes les informations que tu voulais, répondit le gamin. – Nous nous débrouillerons à partir de ce que tu as déjà rassemblé, le rassura Keynn. – Il faut tirer ou il ne faut pas tirer ? osa interrompre un soldat décontenancé par la tournure des événements. – Pardonnez-moi. Vous pouvez ranger vos armes, annonça Keynn, et emmenez tous ces gens en cellule pour un interrogatoire en bonne et due forme. – À vos ordres ! acquiescèrent les soldats en s’empressant d’agir à présent qu’ils avaient une ligne directive et des ordres clairs. – Je me demande quand même comment leurs armes ont ainsi pu se retourner contre eux ? entendis-je murmurer un soldat. – J’ai eu l’opportunité de les modifier ces derniers jours, répondit Darren même si la question ne lui était pas vraiment adressée. – Ah… Euh… Merci… Monsieur… se troubla le soldat confus. – Donc, si je comprends bien intervint Akrayn, le gamin était en infiltration. Pourquoi étais-je le seul à ne pas être au courant ? – À vrai dire, j’étais le seul à être au courant, le corrigea Keynn. – Quoi ? s’étonna le nouveau teknögrade de rang un. Mais alors pourquoi vous tous avez protégé le gamin ? Aucun de nous ne sut comment lui répondre. – Et bien c’était une expérience intéressante, commenta Keynn. Au moins maintenant je sais que si Darren venait véritablement à trahir, je ne pourrais compter sur aucun d’entre vous. J’étais un peu honteux de ne pas avoir protégé mon suzerain, de ne pas l’avoir fait passer avant tout, même si cette fois cela s’était bien terminé. Mais lui, aurait-il été réellement capable de tuer le gamin ? J’avais peur de lui poser la question. Peur d’entendre une réponse qui ne me conviendrait pas. Je ne savais même pas ce que j’espérais entendre. – Nous vous présentons nos excuses Monsieur, formula finalement Gretz. – Pourquoi ne nous avoir rien dit ? demanda Risdam. – Pour que ce soit plus crédible et pour voir comment vous réagiriez. On peut dire que sur ce dernier point vous ne m’avez pas déçu, ironisa Keynn. – Cette épreuve nous fait nous remettre en question assurément, intervint Gretz. Et sans doute remettez-vous en question notre loyauté. Pourtant, nous vous sommes toujours aussi dévoués. Je ne pense pas sincèrement que j’aurais laissé le gamin vous atteindre. Si nous avions dû en arrivé là, j’aurais tué le gamin moi-même. Cela m’aurait détruit, mais je supporte encore moins l’idée qu’il puisse tout renier ainsi. Tout ce que nous lui avons enseigné. Toutes nos valeurs. S’il avait vraiment trahi, alors il n’aurait plus été notre gamin. – Je suis d’accord avec Gretz, acquiesçai-je. C’est juste que… nous ne comprenions pas ce qu’il s’était passé. Pourquoi le gamin avait déserté… Je… J’avais besoin de comprendre pourquoi. – Gamin comment as-tu fais pour pénétrer si facilement dans notre système de sécurité ? demanda Jerkül une fois nos excuses présentées. Je suis sûr que cela intéressera notre service de protection informatique. – Il n’y a aucune chance pour que quelqu’un s’y prenne de la même manière, répondit le gamin. – Comment as-tu fais ? insista Jerkül, à raison selon moi. Le gamin était peut-être un être d’exception, cependant, s’il avait pu le faire, alors quelqu’un d’autre le pouvait également. De plus, si je m’attendais à ce qu’il s’y connût en informatique, je ne le pensais pas versé dans la matière pour autant. – J’ai eu l’aide de Keynn, avoua tranquillement le gamin. – Effectivement, vu comme ça, il n’y a aucune chance pour que ça se reproduise, reconnut Akrayn. Pour ma part, j’étais simplement heureux que cette histoire soit terminée. Heureux que le gamin soit toujours loyal à Keynn. Si un jour il venait à trahir, nous serions dans les ennuis jusqu’au cou. Un coup d’œil au gamin réussit à me chasser cette sombre idée de la tête. Pour l’instant il était auprès de Keynn qui lui caressait doucement les cheveux comme avec un animal apprivoisé. La rébellion n’était pas pour aujourd’hui. – Tu dînes avec moi ce soir ? lui proposa Keynn. – Une autre fois, répondit à notre surprise le gamin. Était-ce le début de la rébellion ? – Je dois un ragoût de brouton à Berkmeër. |
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Scène bonus #4 – Déclinez votre identité. – Skoselth Handerwijk, teknögrade de rang un. Puis le susnommé donna son matricule. – Bienvenue Teknögrade Handerwijk, le salua le soldat après avoir vérifié ses informations. Nous vous attendions dans l’après-midi. Je fais prévenir le Teknögrade Merryl de votre arrivée. Skoselth patienta calmement en attendant que les formalités fussent accomplies. Il en profita pour observer son nouvel environnement. Il venait relever le Teknögrade Merryl qui serait envoyé sur une autre mission. L’homme n’avait été promu au rang un que depuis quelques jours et avait hâte de rencontrer son nouveau collègue qu’il n’avait pas eu l’occasion de croiser au cours de sa carrière. – Hé ! Qu’est-ce qu’un enfant fait ici ? interpela soudainement Skoselth. Sans plus attendre il se dirigea vers l’enfant en question dont il trouvait la présence suspecte en ce haut lieu de stratégie. – Monsieur… tenta de l’arrêter le soldat de garde sans succès. L’homme hésita un instant à quitter son poste mais jugea finalement préférable de s’abstenir. On n’avait pas vraiment besoin de lui pour le problème du Teknögrade Handerwijk alors qu’il était censé assurer la sécurité de ce lieu. Il savait qu’il avait affaire à un teknögrade et, son identité vérifié, l’homme pouvait aller comme bon lui semblait. Skoselth rejoignit en quelques enjambées sa proie qui ne s’était pas arrêtée pour autant. Il tendit la main pour lui attraper l’épaule. Le sujet se déroba avant qu’il n’ait pu le toucher et lui fit soudainement face. Le teknögrade put voir qu’il s’agissait d’un néogicien de quatorze ou quinze ans, arborant des cheveux noirs et un regard perçant. – Qui êtes-vous ? demanda l’adolescent. – Skoselth Handerwijk, teknögrade de rang un, répondit automatiquement l’homme face au ton autoritaire employé. – Bienvenue, déclara l’adolescent un peu moins méfiant. – Merci… Une minute ! Skoselth rattrapa l’adolescent qui s’était déjà détourné. – Qu’est-ce que tu fais là petit ? demanda-t-il. – Petit ? releva l’adolescent intrigué plus qu’outré. L’adolescent paraissait ridiculement minuscule à côté de la carrure de géant de Skoselth qui mesurait plus de deux mètres, avait des épaules larges et des bras plus gros que la cuisse du plus jeune. – Écoute gamin, reprit le colosse. Le terme fit sourire l’adolescent. – Je ne sais pas comment tu es entré ici… – Par la porte, le renseigna obligeamment l’adolescent. – Toi et moi on va avoir une bonne discussion et tu vas me donner des explications. Skoselth joua un peu sur leur différence de taille pour l’intimider. Il savait que sa carrure impressionnait toujours, même si en réalité il adorait les enfants. C’était un détail que celui-ci n’avait pas besoin de connaître dans l’immédiat. Un peu de frousse lui ferait comprendre ses erreurs. – C’est prévu dans mon emploi du temps, répondit l’adolescent sans se démonter. – Monsieur, intervint un nouveau soldat. – Soldat, veuillez escorter cet enfant en salle d’interrogatoire, commanda Skoselth. – Hein ? demanda le soldat sans comprendre son regard incrédule passant du colosse à l’adolescent. – Du calme Tecka, le tranquillisa l’adolescent. C’est de ma faute, je ne me suis pas présenté. – Oh… – Teknögrade Darren Merryl, annonça-t-il en se tournant vers le colosse. – Et je suis censé croire qu’un gamin a la distinction la plus émérite de tout l’Empire ? – À chaque fois qu’il y a un nouveau c’est la même chose, commenta Darren. Je devrais demander à Keynn d’ajouter un mémo dans le livret d’accueil. – Parce que vous avez un livret d’accueil ? s’enquit le soldat fasciné. – Pas que je sache, répondit Darren. Mais parfois je me dis que cela pourrait être intéressant. – Monsieur ! Un nouveau soldat, de la branche magique de l’armée au vu de ses iris améthyste, venait d’arriver en courant. Il ne perdit pas de temps et s’adressa directement à Darren, sans se préoccuper de la figure qu’il ne connaissait pas. – On a un problème dans le secteur B69. – J’arrive, répondit aussitôt Darren. Tecka, faites donc le tour avec Handerwijk. – À vos ordres ! salua l’homme en frappant l’arrête interne de sa main contre sa poitrine. Puis Darren partit sur les talons du dernier venu. – Et je suis censé lui obéir ? demanda Handerwijk sceptique. – Vous ne désirez pas faire le tour de la base ? s’enquit le soldat mal-à-l’aise. Il était un peu entre le marteau et l’enclume, d’un côté ne voulant pas désobéir à son supérieur, de l’autre devant se plier à la volonté d’un homme tout aussi gradé. – Si, si, acquiesça le teknögrade au soulagement du soldat. C’est un bon point de départ pour mon arrivée ici. Je suis juste… surpris… qu’un enfant dirige cette base. – Nous n’étions pas à l’aise d’être commandé par le Teknögrade Merryl au début au vu de son jeune âge, mais il a rapidement fait ses preuves, révéla Tecka. Aujourd’hui je n’aurais aucune hésitation à suivre le moindre de ses ordres. – Vous lui faites confiance ? – Oui. – Même s’il vous ordonnait de vous jeter par la fenêtre du cinq cent unième étage ? – Oui. Il n’y avait eu aucune hésitation. – Si vous n’aimez pas les enfants, vous devriez demander votre mutation, suggéra timidement le soldat. – Je n’ai aucun problème avec les enfants, répondit le teknögrade. Même s’il est... bizarre d’en trouver ici. Mais vu que je suis là pour remplacer Merryl, je ne vois pas en quoi cela concerne mon nouveau poste. Tecka ouvrit une porte et avança à pas assurés jusqu’à l’îlot central. – Teknögrade Handerwijk, je vous présente la haute stratège de cette base. Skoselth se retrouva face à deux cercles dorés sur un visage pâle encadré par de longs cheveux ambrés rassemblés en une sorte de couronne avec deux tresses partant des tempes. Cet adorable tête d’ange était rattaché au corps d’une enfant plus jeune encore que Darren Merryl. |
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Mission #5 – Questeurs – Je vous remercie tous les deux d’être venus si vite, déclara Lord Dörzbach – C’est toujours un plaisir de faire affaire avec vous, répondit Merryl. Et nous n’étions pas autrement engagés. – Le plaisir est également mien, affirma Lord Dörzbach. La compétence et l’efficacité des mercenaires d’Alcor ne sont plus à prouver. Comme Lord Dörzbach faisait appel à ce duo de mercenaires presqu’à chaque fois qu’il n’utilisait pas ses propres ressources, il n’y avait aucun secret sur l’appréciation qu’il éprouvait pour leurs services. Qui étaient loin d’être donnés. Enfin, ce n’était pas moi qui payais et leurs prestations m’étaient personnellement bénéfiques cette fois-ci. – Je vous ai mandé pour une quête d’escorte, annonça Lord Dörzbach. L’objet de votre mission est mon questeur Zuidermr. Lord Dörzbach me désigna alors de la main et je saluai les deux mercenaires d’un signe de tête. Une expression d’étonnement passa fugacement sur le visage de Norwyn. – En quoi vos mesures habituelles sont-elles inopérantes ? interrogea Merryl. – Et bien voilà deux semaines, j’avais envoyé mon autre questeur avec une vingtaine de gardes. Sa tête, accompagnée de divers morceaux de corps des gardes, m’a été renvoyée. J’ai donc pensé que vous pourriez éviter ce petit souci à Zuidermr. J’apprécierais énormément s’ils pouvaient m’éviter ce gros souci. J’avais besoin que Lord Dörzbach me payât, j’avais une famille à nourrir. Cependant je tenais aussi à la vie, j’avais une famille qui m’attendait. – Vingt hommes éliminés d’un coup, cela est problématique, commenta Merryl. On a une idée de la manière dont ils ont pu être éliminés ? De l’identité de leurs meurtriers ? À quel endroit ? Pour quel motif ? – Comme seule une partie de leur corps m’a été renvoyée pour chacun d’entre eux, il est impossible de connaître la cause de leur mort, répondit Lord Dörzbach. En revanche, cela signifie qu’il s’agit de l’œuvre d’Olydriens et non de bêtes sauvages. Quant à savoir qui, je n’en ai pas la moindre idée. – Pas le moindre soupçon ? insista Merryl. – J’ai envoyé une trentaine d’hommes enquêter, aucun n’est revenu, annonça Lord Dörzbach. Après quoi j’ai eu l’idée de faire appel à vous. – Cinquante hommes mystérieusement disparus ? ne put s’empêcher de commenter Norwyn. La quête ne m’intéresse plus maintenant. Ce dernier semblait incapable de se taire, alors que très clairement, Merryl était leur chef. S’il y avait une hiérarchie, elle devait être respectée. Je ne comprenais pas pourquoi Merryl tolérait un tel comportement. – Je mets à votre disposition autant de gardes que vous le jugerez nécessaire, ainsi que mon mage personnel, offrit Lord Dörzbach. L’ensemble de la garde pour protection me paraissait le nombre nécessaire. – Bien entendu vous en aurez le commandement complet, ajouta Lord Dörzbach. Y compris mon mage. – Mon Seigneur, je ne pense pas… interrompit le dit mage. – Je ne vous demande pas votre avis Miltonnes, le coupa sèchement Lord Dörzbach. – Si nous ne travaillons qu’à deux, ce n’est pas pour diriger une armée, intervint Merryl. Nous n’en aurions d’ailleurs pas les compétences. Notre efficacité vient de notre connaissance de l’autre et de notre complétude. Être intégré à un groupe important serait contre-productif. – Très bien, accepta Lord Dörzbach. C’est vous qui voyez. Vous n’avez qu’à prendre uniquement Miltonnes avec vous. C’est un excellent mage et je suis d’avis qu’il vous sera très utile. – Nous déclinons son aide, répondit Merryl. Nous accomplirons cette quête à deux. – Une minute Darren, s’immisça Norwyn les dents serrées. On peut parler ? – Veuillez nous excuser un instant, déclara Merryl. Lord Dörzbach leur fit signe de procéder et les deux mercenaires s’éloignèrent de quelques pas avant que Norwyn ne forme une bulle de silence autour d’eux, nous empêchant d’entendre leur conversation. Très mal poli selon moi. Non seulement il remettait en question les décisions de son chef, mais en plus il instaurait un climat de messe-basse juste devant ses clients. C’était une honte. Leur conciliabule dura plusieurs minutes pendant lesquels Norwyn s’exprima à grand renforts de gestes, visiblement en désaccord. Finalement, Merryl réussit à le canaliser et le duo de mercenaires revint vers nous. – Nous acceptons cette quête, annonça Merryl. – Vous m’en voyez ravi, sourit Lord Dörzbach. – Nous ne requérons pas d’aide extérieure, ajouta le mercenaire. En revanche, nous vous suggérons de nous envoyer seuls afin d’éliminer la menace plutôt que d’escorter Messire Zuidermr. – Non, non, vous n’avez pas besoin d’éliminer la menace, déclara Lord Dörzbach. Le plus important c’est que Zuidermr puisse accomplir sa tâche. – En gros vous avez besoin de sous, commenta Norwyn. Darren tu es sûr que tu veux accomplir cette quête ? – Oui Rick, je suis sûr, répondit Merryl. À sa place je me serais trouvé un subordonné plus obéissant. Ou je l’aurais maté. – C’est toi qui décide… soupira Norwyn. Lord Dörzbach opta sagement de laisser l’altercation filer. Ce n’était pas son problème après tout. Ce n’était pas le mien non plus. Tant que leur travail était correctement accompli et qu’ils me maintenaient en vie. – Excellent, se réjouit Lord Dörzbach. Vous pouvez passer la nuit ici et partir ainsi dès l’aube. Jayzie, faites en sorte que ces messieurs aient tout ce dont ils aient besoin pour ce soir comme pour leur voyage. – À vos ordres mon Seigneur, salua le majordome. – Messieurs, je vous laisse entre les mains compétentes de Jayzie. N’hésitez pas à lui demander quoi que ce soit. J’ai beaucoup à faire à présent, nous nous reverrons à votre retour. Reconnaissant qu’ils fussent congédiés, les mercenaires d’Alcor quittèrent la pièce à la suite de Jayzie. N’ayant plus de raison d’être en présence de mon Seigneur, je suivis le même chemin. – Miltonnes, puisque finalement vous ne partez pas, j’ai du travail pour vous… Puis la porte se referma. – Vous êtes sûrs que deux d’entre vous est suffisant ? m’enquis-je. Non pas que je veuille remettre en question vos capacités. En revanche c’est quand même de ma vie dont il s’agit. – La nôtre aussi est en jeu, me fit remarquer Norwyn. Nous ne prenons pas de risque inconsidéré. – Il serait plus prudent que vous vous grimiez en aventurier, ajouta Merryl. – Comment ? me récriai-je. Mais je ne peux pas faire mon travail déguisé en simple roturier. Ces habits représentent ma fonction et le pouvoir qui m’est conféré. – Vous n’aurez qu’à vous changer avant l’arrivée dans un village. Pour ce qui est du voyage, vous serez habillé discrètement, exigea Merryl. Jaizie, auriez-vous des vêtements de roturier pour Messire Zuidermr ? J’aurais également besoin d’une carte de la région avec notre itinéraire. – Je vous rapporte cela immédiatement Monsieur Merryl, répondit le majordome. – Ne prenez que le meilleur Jayzie, ordonnai-je. Il ne sélectionna pas le meilleur. J’avais l’air d’un mendiant. Moi, Questeur de Lord Dörzbach, j’avais l’air d’un mendiant. – C’est ridicule, déclarai-je au petit matin en essayant la tenue. – Je vous trouve superbe, se moqua Norwyn. – Vous êtes anodin, et c’est justement l’effet recherché, décida Merryl. Allons-y. – Comment ça allons-y ? m’étonnai-je. Mais je n’ai pas eu le temps de finir de me préparer. Et je ne peux pas sortir comme ça. Déjà qu’ils étaient venus à une heure indue de la nuit me tirer du lit, je ne pouvais quand même pas faire une croix sur mes rituels matinaux. – Rick et moi nous partons, annonça Merryl. Vous nous rattraperez quand vous serez prêt. Et si vous ne vous faites pas tuer en chemin. – Tuer en chemin ? frissonnais-je. Attendez-moi ! |
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Heureusement, les deux mercenaires ne renoncèrent pas à la générosité de Lord Dörzbach qui avait mis des montures à notre disposition. Il n’aurait plus manqué que nous parcourions le continent à pieds. – Comment se fait-il que vous ne possédiez pas de monture personnelle ? m’enquis-je par curiosité. Vu le nombre de fois où les mercenaires d’Alcor venaient et la somme que Lord Dörzbach leur versait, ils avaient largement de quoi s’offrirent au moins des hippogriffes. Peut-être dépensaient-ils tout pour satisfaire leurs vices. – C’est une excellente question ça Darren, commenta Norwyn. Pourquoi n’avons-nous pas de monture ? Je pensais d’abord qu’il se rebellait une fois de plus contre l’autorité de Merryl, mais étrangement, il semblait lui-même surpris par ce constat. – Je n’y avais pas accordé d’importance, avoua Merryl. – Comment peut-on négliger un tel aspect ? m’ahuris-je. Une monture permet d’aller bien plus vite et bien plus loin. Et puis c’est plus confortable pour voyager. Je n’en reviens pas que vous n’y ayez jamais pensé avant. Vraiment, je suis choqué. – Une fois cette quête terminée nous pourrons aller acheter des montures si tu veux Rick, proposa Merryl. – Génial ! se réjouit Norwyn. – Quel type de monture souhaites-tu ? interrogea Merryl avec un sourire indulgent devant l’allégresse de son compagnon. – Des griffons ! L’expression de Merryl se figea soudainement. – Darren ? interrogea Norwyn surprit par son attitude. – Choisis ce que tu veux, mais pas un griffon, demanda Merryl. Il y avait une histoire là-dessous, c’était certain. Et apparemment cela remontait à avant sa rencontre avec Norwyn. Finalement, peut-être que cette absence de monture n’était pas si anodine. – Darren ? interrogea doucement Norwyn en rapprochant sa monture de la sienne. Puis il parla à voix si basse que je me demandais comment même Merryl, qui était juste à côté, faisait pour l’entendre. J’entrevis une lueur qui indiquait l’utilisation de magie. Et, comme Merryl répondait sur le même ton à Norwyn, j’en déduisis que les mercenaires avaient utilisés un sort pour augmenter leur ouïe. J’avais entendu dire que Merryl était extrêmement versé dans la magie de l’air. Norwyn serait plus un touche-à-tout. Je reconnaissais là encore la sagacité de Merryl de se spécifier dans un seul domaine. Ce n’était pas en se dispersant sur tous les sujets qu’on apprenait quoi que ce fût. – Hum hum, fis-je. Il est très mal poli de discuter ainsi. De toute évidence, quelqu’un devait apprendre les bonnes manières à ce Norwyn. – On est payé pour vous maintenir en vie, pas pour vous raconter la nôtre, asséna sèchement Norwyn. – Merryl, vous devriez tenir votre subordonné. Son comportement est indigne et remet sans cesse en question votre capabilité. Non pas que j’en doute, mais quelqu’un qui vous connaîtrait moins bien, assurément jugerait inévitablement la pauvreté de votre autorité. Norwyn explosa de rire. – Laissez tomber questeur, devenez artiste ambulant, vous aurez beaucoup de succès, ricana-t-il. – J’ignore ce qui a pu vous faire penser que j’étais le chef, répondit Merryl, sachez cependant qu’il n’existe pas une telle position chez les mercenaires d’Alcor. Nous sommes deux et avons de bonnes dispositions l’un envers l’autre. Un compromis est donc facilement atteignable. – Enfin, c’est toujours vous qui négociez avec Lord Dörzbach ! défendis-je ma position. – Ça c’est parce que je n’ai aucune envie de le faire, s’amusa Norwyn. Je laisse volontiers ce genre de corvée à Darren. – Mais vous n’étiez pas d’accord pour m’escorter et il vous a convaincu ! me récriai-je. – Vous avez employé le mot juste, fit Norwyn. Convaincu. Pas obligé. Ni commandé. Mais vous êtes tellement barbant que je commence à regretter d’avoir donné mon accord. – Quel culot ! m’offensai-je. Merryl est bien meilleur négociateur que vous. – Sur ce point-là, on est d’accord, assentit Norwyn. Puis il me tourna le dos et reprit ses échanges secrets avec Merryl. Son effronterie n’avait décidément pas de limites ! – Nous arrivons bientôt au premier village, annonça Merryl après plusieurs heures. Vous pouvez vous changer maintenant si vous le souhaitez. – Me changer ici ? m’exclamai-je ahuri. Au milieu de nulle part ? Vous n’y pensez pas ! – L’alternative c’est de vous changer au village, répondit Merryl. – Comment ? me récriai-je. Et que les villageois me voient vêtu ainsi ? C’est hors de question. – Dans ce cas je vous conseille de vous changer tout de suite, répliqua Norwyn. – Lord Dörzbach en entendra parler ! les prévins-je en constatant que je n’avais pas le choix. – Ça ne nous fait ni chaud ni froid, rétorqua Norwyn. Je m’empressai de m’exécuter. Je craignais bien trop que ces barbares décidassent de partir sans ma personne. – Darren je ne comprends pas comment tu fais pour faire ami-ami avec des gens comme lui, se plaignit Norwyn. – Je ne fais ami-ami avec personne, déclara calmement Merryl. – Et comment tu fais pour les supporter ? interrogea Norwyn. – Pour commencer, je ne leur réponds que lorsque c’est nécessaire. – Je crois que je suis trop bavard pour ça, admit Norwyn. – Ça je l’avais remarqué, sourit indulgemment Merryl. – Hé ! Ne te moque pas de moi ! – Jamais je n’oserai, répondit Merryl en lui ébouriffant les cheveux. – C’est malin, je suis tout décoiffé maintenant, geignis faussement Norwyn. – Ça t’occupera. Mais à quel jeu jouaient-ils ces deux-là ? Je ne comprenais rien à leur relation. – Allons-y, décréta Merryl. Je me dépêchai de remonter sur ma monture et de la faire avancer en tête. C’était moi le Questeur, moi la personne la plus importante. Il était normal que je sois mis en valeur, à l’avant. À notre arrivée triomphale, tous les villageois sortirent, reconnaissant ma fonction à mon vêtement. Tout était comme il devait être. Celui qui devait leur servir de chef s’avança vers moi. Et, respectant ma position supérieure, attendit que je parlasse. – Je suis Zuidermr. Questeur de Lord Dörzbach. Mais ne perdons pas davantage de temps, j’ai avec moi la liste de ce que vous devez à Lord Dörzbach. Il fait un peu froid ce soir, allons-nous installer à l’intérieur. Et n’oubliez pas de nous offrir l’un de vos meilleurs breuvages. Bien que je doute qu’il y ait quoique ce soit de potable dans un village pareil. Il était toujours bon de rappeler aux gens ce qu’ils me devaient. Ils n’avaient que trop tendance à oublier les petits détails qui pourtant étaient d’une extrême importance. – Je peux l’étrangler maintenant ? murmura Norwyn absolument pas discret. Décidément, ce garçon n’avait aucune élégance. – Occupe-toi des montures, décida Merryl. Vu l’heure tardive, nous passerons la nuit ici. Norwyn acquiesça aussi bruyamment qu’à son habitude et Merryl m’escorta jusqu’à la cahute du chef du village. – Vous avez oublié la boisson, fis-je remarquer une fois installés. Il faut constamment tout vous rappeler. L’homme se releva et amena finalement quatre verres. – Ce n’était pas la peine d’en ramener un pour ce mercenaire, il n’est là que pour assurer ma sécurité après tout. Merryl, vous ne buvez pas pendant votre service n’est-ce pas ? Je sais que vous êtes un professionnel. Le chef comprenant enfin l’égard qui était dû à ma personne et l’insignifiance de la leur, s’abstint de servir non seulement Merryl mais également lui-même et son adjoint. – Pas formidable, commentai-je en goûtant le breuvage. Enfin, passons. Je suis ici pour une unique raison. Les impôts. Je sortis alors de ma besace la liste de ce qui était dû à Lord Dörzbach par ce village. – Vous êtes fou, déclara le chef. Nous ne pouvons vous verser une telle somme. Ni même vous donner autant de matières premières. – Ils disent tous la même chose, commentai-je blasé. Vous me croyez Merryl si je vous dis que tous les ans c’est la même scène ? Son assentiment était tellement évident que le mercenaire ne prit même pas la peine de me répondre. – Allons, n’exagérons rien voulez-vous ? décrétai-je. Vous n’avez qu’à porter vos doléances à Keynn Lucans. S’il ne se cachait pas constamment derrière son dôme de rosaphir, il y a longtemps que cette guerre serait terminée. Maintenant, rassemblez-moi tout ça, car je suis sûr qu’une fois de plus vous n’avez rien préparé en avance malgré mon passage régulier. Comme l’a si intelligemment fait remarquer Merryl, il est déjà fort tard et nous passerons la nuit ici. N’oubliez pas de me préparer votre meilleure chambre et un excellent dîner. – En ce qui concerne mon compagnon et moi-même nous dormirons dans l’étable avec les montures et nous avons nos propres provisions, annonça Merryl. – Voyons, vous n’y pensez pas, je vous invite, déclarai-je. Et puis vous devez rester à proximité pour assurer ma sécurité. – Rick et moi mangerons nos provisions et dormirons dans l’étable, répéta Merryl. Si vous craignez que ces villageois vous attaquent pendant votre sommeil, il serait plus prudent que vous dormiez avec nous. Dans l’étable. – Très bien, consentis-je finalement. De toute façon, je suis sûr qu’une chambre ou une étable ici revient au même. Je ne passerais pas outre ces animaux de commettre un tel crime sur ma personne. Heureusement que j’avais Merryl sur qui je pouvais compter. – Vous pensez qu’ils pourraient chercher à m’empoisonner également ? demandai-je au mercenaire. – C’est une possibilité, acquiesça Merryl. Fort heureusement, nous avons des provisions. – Oui, cela me parait plus prudent, décidai-je. Édité le 29 May 2022 - 17:52 par Epsilone |
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Nous sortîmes finalement de cette cahute. – Ah… Je respire mieux. Une bonne chose de faite, déclarai-je. Allons manger. Je suis éreinté. – Il ne nous reste plus qu’à retrouver Rick, annonça Merryl. – Si vous lui mettiez une laisse, ce serait plus facile, lui suggérai-je. – Pardon ? me demanda Merryl. – Je vous ai déjà conseillé de mieux tenir ce garçon. Il vous fait du tort. Vous devez… Je me retrouvai soudainement plaqué au mur par Merryl. La folie l’avait-elle touchée lui aussi ? J’ouvris la bouche pour protester mais aucun son ne sortit face à son regard gris perçant où je pouvais voir couver une tempête. – Je déteste me répéter alors vous aller m’écouter attentivement Zuidermr, commença-t-il. Vous cessez vos remarques désobligeantes sur Rick et vous cessez de vous mêler de nos affaires. – Vous osez me menacer ? balbutiai-je. – Ce n’était qu’un conseil. Notre travail consiste à vous maintenir en vie, énonça Merryl. Rien n’est indiqué sur l’état dans lequel nous devons vous rendre. Là, je vous menace. Puis il me relâcha. – Qu’est-ce qu’il a fait pour que même toi tu t’énerves ? s’enquit Norwyn qui venait d’arriver. – Inutile de t’en préoccuper, lui répondit Merryl. – Ou alors c’est moi qui ai usé tout ton capital patience ? se gaussa Norwyn. – C’est peut-être ça, admit Merryl. – Hé ! protesta Norwyn. Tu étais censé répondre non ! Merryl rit doucement et ébouriffa les cheveux de Norwyn. – Ma coiffure ! se rebella ce dernier. Qu’est-ce que c’est que cette manie chez toi ? – Un jour je te raconterai, répondit Merryl. – Parce qu’il y a une raison derrière ? s’étonna Norwyn. Maintenant je veux savoir, raconte ! – Mais attendez-moi ! m’exclamai-je en constatant qu’ils partaient sans moi. Je faisais quand même plus confiance à deux mercenaires payés qu’à un groupe de pauvres villageois. – Il est obligé de nous coller celui-là ? râla Norwyn. – Je préfère l’avoir à porter de main, répondit Merryl. – Si tu juges que c’est mieux ainsi… se plia Norwyn. L’étable était pleine de paille et de bestioles. – C’est… là qu’on va dormir ? m’assurai-je. – C’est le cas pour Rick et moi, me répondit Merryl. Vous êtes libre d’aller où vous voulez. – Bon, bon… Pas la peine d’insister, fis-je. Je prends ce coin-là. Et cette nourriture ? – De quoi il parle maintenant ? demanda Norwyn. Pour toute réponse, Merryl sortit les provisions promises des fontes de sa monture. – On ne mange pas avec les villageois ? s’étonna Norwyn. – Vous êtes d’une naïveté désobligeante, commentai-je. Ce serait bien trop dangereux. – Dangereux ? répéta-t-il stupidement. – Et bien oui, ils pourraient nous empoisonner, daignai-je l’éclairer. Vous feriez mieux de prêter plus d’attention à la guidance de Merryl et de… Je préférai couper court devant le regard meurtrier que Merryl me lança. Cela me paraissait plus prudent. – Ça s’est si mal passé que ça ? demanda Norwyn sceptique à l’autre mercenaire. Ce dernier eut un bref hochement de tête silencieux. – Bon je vais manger dehors, annonça Norwyn en recevant sa part. Tu viens Darren ? Je ne compris pas pourquoi ce dernier décida de suivre Norwyn. Je croyais qu’il avait plus de bon sens. Puis je réalisai que j’étais de nouveau seul. – Mais ne me laissez pas ! me récriai-je. Je me levai précipitamment. Comment mes gardes du corps pouvaient-ils m’abandonner aussi souvent ? – Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Norwyn stupéfait. – Allons bon, que faut-il encore vous expliquer ? soupirai-je. Je ne repérai rien d’inhabituel ou qui aurait pu attirer son attention. – Tout ça c’est pour les impôts ?! m’interrogea Norwyn. – Évidemment, pour quoi d’autre ? lui répondis-je. – Mais vous ne pouvez pas leur prendre autant ! s’opposa Norwyn. – Je ne leur prends rien du tout, répliquai-je. Ils ne font que payer ce qu’ils doivent à Lord Dörzbach. – Mais ils ne pourront jamais survivre ! continua de s’entêter Norwyn. – Vous êtes payés pour m’escorter et moi pour prélever les impôts, lui rappelai-je. Ces villageois ne vous concernent en rien tant qu’ils ne s’en prennent pas à ma personne. – Oubliez les villageois je vais vous… – Rick, intervint Merryl. Calme-toi. Puis il lui murmura quelques mots que je ne pus saisir mais qui semblèrent effectivement apaiser Norwyn. Décidément, Merryl avait un don. En même temps, il en avait bien besoin avec une malédiction telle que Norwyn. Pour une raison qui m’échappa totalement, Norwyn décida de se mêler à la population locale. Heureusement, Merryl resta avec moi. Tant qu’il était près de moi, je n’avais rien à craindre de la faune. Tandis que nous continuâmes notre repas en déambulant dans le village parce que Merryl avait décidé de marcher, j’entrepris de lui donner des conseils sur l’évolution de sa carrière. Il était certain qu’il avait du potentiel et qu’il perdait son temps à être un mercenaire ambulant. S’il louait ses services exclusivement à Lord Dörzbach, il pourrait devenir le chef de sa garde en un rien de temps. Il pourrait également gravir rapidement les échelons dans la guerre contre l’Empire et obtenir une grande renommée. Merryl m’écouta avec la plus grande attention, je le vis dans son regard. C’était un garçon intelligent qui saurait s’accaparer l’opportunité que je lui offrais. – Mais qu’est-il donc encore en train de faire ? m’enquis-je en remarquant soudainement Norwyn s’affairer auprès des villageois. Je décidai de voir de quoi il retournait, malgré les conseils de Merryl de l’ignorer. Mieux valait anticiper les catastrophes. – Mais vous êtes en train de leur distribuer de l’argent ! m’exclamai-je horrifié en découvrant l’ignominie. La villageoise à qui Norwyn avait donné des pièces s’empressa de les dissimuler. Tous des rapaces. – Et alors ? osa-t-il répliquer. – Vous ne pouvez pas faire ça ! lui expliquai-je. – Et pourquoi pas ? rétorqua-t-il. C’est mon argent après tout. Si ça me plait de le distribuer, je ne vois pas en quoi ça vous concerne. – Merryl dites quelque chose ! fis-je appel au plus sensible des deux. – Nous ne faisons que payer notre dû, répondit Merryl. Puisque nous logeons dans leur étable. – Vous n’irez pas me faire croire que nous payons aussi cher pour dormir dans de la paille aussi miteuse ! me récriai-je. – Que voulez-vous, les temps sont durs et les prix augmentent, expliqua Merryl. – C’est une honte ! Un scandale ! m’égosillai-je. Laissez-moi régler ça. – Non, répondit Merryl. Il est tard. Allons-nous coucher. Demain nous partons dès l’aube et un long trajet nous attend. Puis il me guida d’une main protectrice jusqu’à notre lieu de couchage. J’eus quand même le temps de voir la villageoise déposer un baiser sur la joue de Norwyn. – Rick n’est pas votre problème, me devança Merryl. – Mais il est train de se faire corrompre par un joli visage, lui indiquai-je obligeamment. Pas si joli que ça d’ailleurs… – Bonne nuit, à demain, fit Merryl. Ce qui était bien avec ce mercenaire, c’était sa concision. En revanche, il risquait de manquer des détails importants s’il agissait toujours ainsi. Je n’osai pas lui reparler de reprendre en main Norwyn. Pas ce soir en tous cas. Ces yeux tempétueux me hantaient trop pour que je m’y risquasse. J’attendrai qu’il se fût un peu calmé avant d’aborder à nouveau le sujet avec lui. C’était un problème qu’il ne pouvait ignorer indéfiniment. |
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Je me réveillai frigorifié au milieu de la nuit. Le désavantage d’une étable était qu’il n’y avait pas de feu de cheminée pour se réchauffer. Je me redressai pour voir comment mes deux escortes s’en sortaient. Je n’en revins pas ! Ils étaient allongés côte à côte, chacun sous une couverture et une sorte de feu follet dansait au-dessus d’eux, à distance égale l’un de l’autre. À tous les coups ils avaient lancé un sort pour se réchauffer sans m’en faire profiter. – Que voulez-vous Zuidermr ? chuchota Merryl en s’asseyant brutalement me faisant sursauter. Aurais-je été moins dignifié, j’aurais poussé un cri de surprise. Mais je n’étais pas Questeur de Lord Dörzbach pour rien et pas un son ne sortit. – Je… – Moins fort, me coupa aussitôt Merryl. Vous allez réveiller Rick. – En quoi ça me concerne ? lui répondis-je à voix basse car il me regardait méchamment. – Rendormez-vous, osa-t-il m’ordonner. – J’ai froid, lui reprochai-je. Donner-moi ce feu. – C’est Rick qui l’a produit et il ne bougera pas, m’expliqua-t-il. – Et bien faites-en un autre, m’exaspérai-je. – J’en suis incapable, dévoila-t-il sans honte. – Je n’en crois pas un mot, l’accusai-je. – Croyez ce que vous voulez, déclara-t-il. La magie c’est le domaine de Rick, pas le mien. – Très bien, changeons de place alors, décidai-je puisqu’il ne voulait pas faire preuve de bonne volonté. – Et vous laissez à côté de Rick ? Hors de question, trancha-t-il immédiatement. – Mais… – Vous n’avez qu’à vous mettre sous la paille. Cela vous tiendra chaud. Et il se recoucha sans plus m’accorder la moindre attention. Si Merryl me refusait ce qui m’était dû, je devais prendre les choses en mains. Puisque Norwyn dormait si profondément, et que Merryl ne voulait pas que je fusse près de Norwyn, alors je n’avais qu’à déplacer Norwyn. Comme cela je n’irais pas contre la volonté de Merryl et j’obtiendrais ce que je voulais. Mon plan fut coupé court quand, avant même que je ne sois sur mes pieds, Merryl se redressa sur un coude pour me dévisager, la flamme sombre créant une lueur inquiétante sur son visage. Je lui montrai alors que je rassemblais de la paille, que l’unique raison de mon mouvement était pour ramasser de la paille, rien que de la paille. Après m’avoir observé quelques instants, il se rallongea finalement tout en plaçant un bras protecteur ou possessif autour de Norwyn endormi. Je retins difficilement un soupir de soulagement afin de ne pas réveiller l’attention du mercenaire une fois de trop. Il ne me restait plus qu’à me fourrer sous le tas de paille que j’avais rassemblé. – Réveillez-vous Zuidermr, il est l’heure de partir. – Hein que quoi ? balbutiai-je. Mes yeux s’ouvrirent péniblement sur le visage fermé de Merryl. – Nous partons, répéta-t-il. – Déjà ? m’étonnai-je. Il ne fait même pas encore jour. – Le premier soleil commence à poindre à l’horizon et il est préférable de quitter ce village avant qu’il ne se réveille, vous n’êtes pas d’accord ? – Effectivement, cela me semble sensé, approuvai-je en me levant précipitamment. Les mercenaires d’Alcor avaient déjà apprêté les montures, Norwyn finissant de les sortir de l’étable. – Une minute, exigeai-je. Il faut que je vérifie que les villageois aient bien donné ce qu’ils devaient à Lord Dörzbach. Ils me laissèrent faire sans protester, même Norwyn pour une fois reconnut sa place et ne pipa mot. Et tandis que je travaillais ardument, les deux mercenaires prirent leur petit-déjeuner assis dans l’herbe tout en papotant à voix basse. – Vous n’avez pas l’impression de ne rien faire j’espère ? leur reprochai-je. – Ne vous inquiétez pas, on continue de veiller sur vous, me répondit Norwyn. Et puis on ne voudrait pas que vous nous accusiez de vol s’il venait à manquer quelque chose. D’autant plus que vous ne devez pas nous faire confiance pour compter correctement, n’est-ce pas ? Il n’avait pas tort. Cependant, j’aurais bien aimé trouver une petite phrase cinglante pour lui ôter ce sourire impertinent de son visage. Rien ne me vint. Alors je continuai ma tâche en silence, l’ignorant donc délibérément. C’était ce qui marchait de mieux avec des gens comme lui. Les premiers villageois commencèrent à sortir de leur demeure et je n’avais pas fini. Heureusement, Norwyn alla à leur rencontre et leur baratina je ne savais quoi tandis que Merryl restait pour ma protection rapprochée. Je fus soulagé quand nous pûmes enfin partir. – Et faites bien attention aux bêtes de somme, recommandai-je aux mercenaires. Ce sont elles qui portent ce qui revient de droit à Lord Dörzbach. – Ouais, ouais, on sait, s’exaspéra Norwyn. – Ne prenez pas ce ton là avec moi, exigeai-je. Cette mission est de la plus haute importance et je ne tolérerai… – Fermez-la Zuidermr, me coupa Merryl. Je fus choqué par son langage. C’était une expression que j’aurais plus volontiers imaginé sortir de Norwyn. Au vu du regard surpris que ce dernier lançât à Merryl, ce comportement n’était pas habituel. Je décidai en conséquence de la jouer prudemment et de me faire discret pour quelques temps. Nous continuâmes ainsi notre chemin, de village en village, Norwyn dilapidant son argent à chaque arrêt. Dans le fond, Merryl avait raison. Cela ne me concernait pas. Tant que je récupérais le dû de Lord Dörzbach, l’essentiel était accompli. Je choisis de ne plus me mêler des mercenaires d’Alcor, de leur comportement et de leur avenir. J’avais bien compris que mes conseils n’étaient pas appréciés et je détestais perdre mon temps inutilement. Qu’ils récoltassent donc ce qu’ils semaient. La routine fut rompue lorsqu’une jeune fille vint cueillir Norwyn à la fraîche. – Messire ne partez pas, l’entendis-je murmurer. Je voulus mettre un terme immédiatement à ce détournement d’agent de Lord Dörzbach mais Merryl appuya sur mon crâne et mes épaules pour m’empêcher de me redresser et me bâillonna de son autre main. Je pouvais à peine respirer. Je cherchai à protester alors il accentua la pression. À bout de force, je relâchai tous les muscles de mon corps. J’étais incapable de le surpasser physiquement. Au moins relâcha-t-il un peu sa prise face à mon abandon. Je sentais cependant qu’à la moindre tentative il resserrerait son implacable étau. – Je ne peux cependant rester, répondit Norwyn. Bien. Ce garçon n’était pas totalement irresponsable. – Je vous en supplie, restez, le pria la jeune péronnelle. – Je suis touché par votre insistance mais je ne peux que décliner. – N’y allez pas, insista la petite mijaurée. Vous êtes quelqu’un de bien. Je ne veux pas que vous mourriez. – Mourir ? s’étonna Norwyn. Je ne crains ni bandit ni créature. Je n’en ai peut-être pas l’air mais je sais me défendre. Il avait tout à fait l’air qu’il fallait pour signifier « ne venez pas me chercher des crasses, je suis capable de vous aplatir avec une main attachée dans le dos. » – Je ne doute pas de votre valeur ni de votre bravoure, corrobora-t-elle. Mais c’est différent cette fois. – Que me cachez-vous ainsi ? désira savoir Norwyn. – Je ne peux rien dire… – Je vous en prie, si vous savez quoi que ce soit, si vous tenez ne serait-ce qu’un peu à moi… – Un piège à deux kilomètres d’ici. Une vingtaine d’hommes. Ils vous attendent. Je… Je ne vous ai rien dit. Il y eut le bruit d’un baiser puis de pas qui s’enfuient. – Tu veux que je la poursuive Darren ? interrogea Norwyn. Merryl me relâcha. – Inutile, répondit le susnommé. Cela ne lui attirerait que des ennuis et… – Des ennuis ?! l’interrompis-je. Quelle est l’importance de cette fille quand ma vie est en jeu ?! – Et nous avons les informations dont nous avons besoin, conclut Merryl comme si je n’avais pas parlé. – Tu veux interroger quelqu’un d’autre ? s’enquit Norwyn en m’ignorant tout aussi royalement. – Oui, acquiesça Merryl. Garde Zuidermr et ne le tue pas. Je reviens vite. – Comment ça ne le tue pas ? m’inquiétai-je tandis que Merryl sortait. – Un accident est si vite arrivé… sourit Norwyn. Vous devriez rester assis et ne surtout pas bouger. Et, plus que tout, ne pas prononcer un mot. Cela pourrait me déconcentrer pendant que j’aiguise mon épée. Darren serait tellement déçu si je ne respectais pas ses consignes. – Ça n’a pas l’air de vous émouvoir plus que cela, fis-je remarquer. – Ah ! Pas un mot, me reprit Norwyn. Surtout que je ne sais pas comment vous avez fait votre compte pour vous mettre Darren à dos, lui qui possède un tel calme, une telle patience et une telle tolérance que c’en est anormal. Nous attendîmes donc avec pour seul compagnie le bruit de la pierre à aiguiser sur la lame. – Allons-y, déclara Merryl en revenant telle une ombre. Je commençais à penser que Merryl maîtrisait également le flux magique des Ténèbres. – Pourquoi va-t-on par-là ? interrogeai-je en constatant la direction prise. La fille a dit que l’embuscade était justement par-là. Pourquoi on y va ? – C’est le but, répondit Merryl. – De tomber exprès dans une embuscade ? – Nous allons régler le problème définitivement, expliqua Merryl. – Comme ça nous n’aurons plus besoin de vous escorter la prochaine fois, appuya Norwyn. – Mais c’est dangereux ! Je pourrais être tué ! protestai-je. – C’est pourquoi votre rôle consistera à rester avec les montures, loin du combat, conclut Merryl. Édité le 29 May 2022 - 17:53 par Epsilone |
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Nous continuâmes dans un silence angoissant. Enfin, je semblais le seul effrayé à l’idée de mourir. À voir les mercenaires d’Alcor, on pourrait croire que nous fussions simplement en promenade d’agrément. – Ici, ça ira bien, décida soudainement Merryl en arrêtant notre convoi. Les deux mercenaires descendirent de monture. – Vous n’allez quand même pas me laisser seul ici ? m’écriai-je. Il pourrait m’arriver n’importe quoi ! Une bête sauvage pourrait débarquer, un dragon m’enlever, une… – Calmez-vous Zuidermr, m’enjoignit Merryl. Nous ne vous laissons pas sans protection. Puis, utilisant un bâton, il traça un cercle parfait autour de nous, incluant les montures. – Ne dépassez cette ligne sous aucun prétexte, m’avertit Merryl. – Euh… D’accord, acquiesçai-je sans comprendre. En quoi une ligne pouvait-elle me protéger ? Merryl se mit à tracer une série de symboles tout autour du cercle. Quant à Norwyn, il assemblait du mana. Merryl conclut ses glyphes par un cercle extérieur, toujours aussi parfaitement circulaire. Norwyn incanta alors, donnant vie aux symboles de Merryl. Un dôme bleuté se matérialisa à l’emplacement exact du cercle extérieur. – Ne franchissez surtout pas cette ligne, me répéta Merryl. Je hochai bêtement la tête, trop impressionné par ce haut niveau de magie réalisé avec une parfaite maîtrise juste sous mes yeux. Norwyn n’était pas un mage de bas étage un peu touche-à-tout. Il savait manier les flux avec un grand talent. Il était de ces puissants et rares mage-guerrier. Qui étaient les mercenaires d’Alcor ? Je les pensais au-dessus de la moyenne mais pas à ce point. D’où sortaient-ils ? Pourquoi n’étaient-ils pas sur des quêtes plus glorieuses ? Toutes ces questions tournaient et retournaient dans mon cerveau sans que la moindre réponse ne pointât le bout de son nez. Finalement, après une éternité ou une poignée de minutes, les mercenaires d’Alcor revinrent. D’un simple geste, Norwyn annula son sort avant que Merryl et lui n’effaçassent consciencieusement les symboles d’une puissante magie. – Il y a du sang sur vos vêtements, remarquai-je. Je me sentais complètement absurde. – Oui, j’ai utilisé un sort hum… pas très propre on va dire, expliqua Norwyn. Le vermeil maculait leurs tenues. Jusqu’à une tache mal essuyée sur le visage de Merryl. Aucune goutte ne provenait de leur corps. Je n’en nourrissais pas le moindre doute. – Nous ferons un détour pour ne pas effrayer les montures, décida Merryl. Je ne souhaitais pas non plus voir ni savoir ce qu’il restait de ces hommes. – En route Zuidermr, m’enjoignit Merryl comme je ne bougeais pas. « Je ne sais pas comment vous avez fait votre compte pour vous mettre Darren à dos, » avait dit Norwyn. Et je sentais que j’avais fait la plus grosse erreur de ma vie. Je ne savais pas d’où ces deux-là sortaient, ni pourquoi ils acceptaient des quêtes de si petite envergure, Mais je n’étais pas un fou. Je ne me mêlerai plus de leurs histoires car je tenais à rester en vie. D’ailleurs, il valait même mieux que je n’en parlasse à personne. Je devais me concentrer sur mon travail et ignorer tout le reste. Ce fut exactement ce que je fis, même si les villageois suivants se montrèrent peu coopératifs. – Comment ça vous refusez de payer ? me récriai-je. – Nous avons déjà payé, argua leur chef. Et nous ne pouvons pas reverser une telle somme et autant de biens une nouvelle fois en si peu de temps. – Je ne vous crois pas, déclarai-je. Lord Dörzbach n’a rien reçu. – Et ce n’est pas leur problème, intervint Merryl. – Depuis quand intervenez-vous dans mon travail ? l’interrogeai-je. – Nous avons effectué le chemin à l’inverse de votre prédécesseur, expliqua le mercenaire. Ce qui veut dire que ces gens ont déjà payé leur tribut. Le fait que le précédent questeur et son escorte n’aient pas réussi à ramener pièces et denrées n’est pas leur problème. J’ouvris la bouche pour protester cependant Merryl me devança : – Ces gens n’ont pas à subir l’incompétence de nos prédécesseurs. Ils ont payé ce qu’ils devaient à Lord Dörzbach. C’était à ses soldats de s’assurer que tout lui parviendrait. Il n’y a rien d’autre à ajouter. Je tentai une fois de plus de parler, puis je me souvins de quoi le mercenaire était capable et je refermai aussi sec ma mâchoire. Si Lord Dörzbach me posait une question sur le manque de fonds que je lui ramènerai, je le renverrai vers les mercenaires d’Alcor. C’était aussi simple que ça. – D’accord, acquiesçai-je donc. – Et moi qui croyais qu’il nous demanderait de partir à la chasse au trésor, murmura Norwyn. L’idée m’avait bien traversé, cependant cela ne faisait pas partie de leur contrat et je m’étais décidé à ne surtout pas sortir du contexte du dit contrat pour ne pas m’attirer d’ennuis. Alors je n’en fis rien. Rien du tout. Le voyage se poursuivit et se termina avec la même réponse des villageois. Ils avaient déjà donné. Je n’osai même pas insister un tant soit peu. Pas avec la présence de Merryl constamment derrière moi. À vrai dire je n’avais qu’une hâte, rentrer chez moi, retrouver mon épouse et tout oublier. Quand le château de Lord Dörzbach fut en vue, je sentis un poids se lever de mes épaules. Enfin. Enfin tout était fini. Je ne voulais plus jamais croiser la route des mercenaires d’Alcor. – Vous voilà de retour, nous accueillit personnellement Lord Dörzbach. Tout s’est bien passé j’espère ? – En effet, répondit Merryl. Nous en avons également profité pour vous débarrasser de ce groupe de bandits qui avait éliminé votre premier questeur et son escorte. – C’est fort aimable à vous, les remercia Lord Dörzbach. Bien entendu vous serez rémunéré de cette prestation supplémentaire. Mieux valait en effet qu’il les payât. Je n’avais aucune envie que mon employeur se mît les mercenaires d’Alcor à dos. – Bien entendu, acquiesça Merryl. Voici des informations sur leur compte qui devrait vous intéresser. – C’est-à-dire ? demanda Lord Dörzbach en acceptant le parchemin tendu par Merryl. – Ils n’ont pas agi seul. Et leur tête pensante n’était pas présente. Je pense que vous souhaiterez agir rapidement. De plus, nous avons indiqué leur repaire où se trouve leur butin. – Comment savez-vous tout ça ? ne pus-je m’empêcher de m’étonner. – Nous les avons interrogés avant de les tuer, répondit Merryl sur le ton de l’évidence. Et voici notre note de frais. Merryl tendit un second parchemin. Une note de frais ? Mais de quoi parlait-il encore ? – Vous… vous avez vraiment dû dépenser tout ça ? demanda Lord Dörzbach plus que légèrement surpris. – Zuidermr peut témoigner, me prit à partie Norwyn. Non… Je ne voulais plus rien avoir à faire avec eux… Lord Dörzbach me donna le parchemin pour inspection. Je faillis mourir d’apoplexie en découvrant le montant. Comment voulaient-ils que qui ce fût croit qu’ils aient dépensé une telle somme ? C’était impossible. C’était… C’était l’argent que Norwyn avait versé aux villageois. – Vous ne pouvez pas… commençai-je automatiquement à les contredire. – Bien sûr que si, fit Norwyn. Vous ne pouvez nier que c’était pour votre sécurité et… – Les informations ! le coupai-je en voyant soudainement ses actions sous un nouveau jour. C’était pour récupérer les informations. N’est-ce pas ? – Et bien vous êtes moins bête que je ne le croyais, me complimenta Norwyn. – Donc vous approuver cette dépense Questeur Zuidermr ? me questionna Lord Dörzbach. – Oui, tout à fait, acquiesçai-je aussitôt. Même si le montant avait été injustifié, je crûs que j’aurais quand même donné raison aux mercenaires d’Alcor. Je les craignais trop pour leur objecter quoi que ce fût. Il y avait certaines personnes en ce monde auxquelles il était intelligent de ne pas s’opposer. – Bien, je vais donc vous payer ce qui vous est dû, accepta Lord Dörzbach pour mon plus grand soulagement. Vous êtes fiables et efficaces mais vous me coûtez toujours beaucoup. – Ainsi vous ne nous appelez que lorsque vous avez vraiment besoin de nous, conclut Norwyn avec son sourire railleur habituel. |
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Scène bonus #5 – Et je lui ai planté une flèche entre les deux yeux. – À plus de cinq cent mètres ? Me fait pas rire. – Je vous le jure les gars. Je suis le meilleur archer d’Olydri. Et je peux vous le prouver regardez. Darren arrêta ses compagnons de voyage d’un geste de la main. L’attention du groupe se fixa alors sur le coin de la forêt qu’ils longeaient et qui retenait le focus de Darren. Soudain les buissons se déchirèrent pour laisser passer un corps qui s’effondra juste devant eux. L’homme se releva aussitôt et les dévisagea de ses yeux ternes et métalliques. – Un néogicien ! Darren fut le premier à sortir ses armes. Et à les planter dans le corps de ses compagnons qui churent sans comprendre. – C’est dommage, je les aimais bien ces deux-là, déclara Rick avec indifférence. – Gamin c’est toi ? demanda le néogicien. – Oui Gretz, répondit Darren. – Tes iris… ? s’étonna le néogicien. – Ah parce qu’en plus tu le connais ? demanda Rick en même temps. – Les explications attendront, décréta Darren. J’entends du monde. Gretz, va t’allonger avec ces cadavres. Rick et moi nous gérons la situation. L’homme obéit sans discuter. Il était à bout de forces, incapable de réfléchir, et faisait confiance à Darren. Peu de temps après, une dizaine d’Olydriens arriva sur les traces du néogicien. – Il est là ! s’exclama l’un d’eux. – Vous l’avez tué ?! se révolta un autre. – Oui et alors ? Il a eu le temps de tuer nos deux compagnons, répliqua Rick. – Et alors ?! On avait besoin de lui vivant ! s’écria l’autre. Supprimez-moi ces deux idiots. – Et on va gentiment se laisser faire, ironisa Rick. Les mercenaires d’Alcor étaient à deux contre dix. Le combat était largement en leur défaveur. Darren utilisa le peu d’effet de surprise qu’il pouvait avoir pour foncer brutalement sur les hommes les plus proches et leur trancher la gorge. Après quoi il dut esquiver un sort tout en parant une hache. Rick n’avait pas la vitesse de Darren et entra dans la danse au même rythme que leurs assaillants. Ces derniers étaient des professionnels et ne se laissèrent pas décontenancer par la mort de deux d’entre eux. De même, ils s’adaptèrent à la vitesse de Darren et furent capables de le contrer. De son côté, Rick maniait épée et magie indifféremment, donnant davantage de fil à retordre à leurs adversaires. Darren se cala pour parer aux failles de son compagnon, virevoltant aisément d’un ennemi à l’autre. L’assurance d’être ainsi protégé permettait à Rick de déployer son potentiel en toute confiance. Après un sort calcinant l’un de leurs ennemis, Rick enchaîna avec un sort d’eau qui généra de la brume après évaporation, dissimulant partiellement les combattants les uns aux autres. Des cris de douleur résonnèrent, lorsque Darren profita du manque de visibilité pour lancer des poignards avec une précision que lui permettait sa visualisation de l’espace et de l’ensemble des protagonistes juste avant le brouillard. Un ennemi utilisa un sort d’air pour dissiper la vapeur. L’une des épées de Darren vint se planter dans son torse. Il eut un hoquet de stupeur et s’effondra quand la lame ressortit de son corps. Cependant, par ce geste Darren s’était exposé à la lance d’un ennemi. Ce dernier ne put porter son coup quand il s’écroula la gorge tranchée. – Le néogicien est encore vivant ! s’exclama l’un des opposants. Gretz s’était fait soigneusement oublié, écoutant avec attention les bruits du combat sans bouger. Puis il avait saisi le poignard que Darren lui avait lancé en même temps que tous les autres. Et il avait frappé. Rick envoya un sort de glace sur Gretz qui se laissa choir pour l’éviter. La magie ne parvint pas à toucher sa cible qui se tenait juste derrière Gretz mais au moins l’empêcha-t-elle de tuer le néogicien. À trois, ils parvinrent à éliminer les derniers ennemis, Darren et Rick couvrant Gretz, conscients qu’il était le plus affaibli et le plus à même d’être tué. Malgré son piètre état, Gretz n’en demeurait pas moins un combattant hors pair, et l’adrénaline l’aidait à tenir. Darren entreprit ensuite de vérifier que leurs adversaires étaient bel et bien morts, quitte à les traverser de nouveau de sa lame. – J’espère que Ton empereur est satisfait des services que je lui rends, haleta Rick à court de souffle. Gretz lui jeta un regard incertain et suspicieux. – Je m’excuse pour son comportement, il est pro-Coalition, expliqua Darren. – C’est… intéressant, qualifia Gretz. Où l’as-tu déniché celui-là ? Édité le 10 July 2022 - 15:57 par Epsilone |
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Mission #6 – Journalistes C’était mon jour de chance. Une porte mal fermée et j’avais pu m’introduire dans une section de l’Œil normalement close au public. Puis une gentille et naïve fille qui m’avait tenu l’accès ouvert et j’avais pu pénétrer encore plus loin. Je marchais d’un pas assuré. Personne ne me posa de questions. Tant qu’on avait l’air de savoir où on allait, les gens trouvaient notre présence normale. C’était une de mes premières règles pour être là où je ne devais pas être. Et si jamais on me questionnait, je baratinais une histoire, je m’excusais, je prétendais ne pas être au courant. Cela fonctionnait à chaque fois. Voyons voir… Que se cachait-il par ici ? Je pénétrai dans une pièce vacante. Diverses machines occupaient la place, des fils de toutes les couleurs les reliant. À quoi cela pouvait-il bien servir ? Il y avait bien quelques écrans, cependant ils n’affichaient qu’une série de caractères incompréhensibles. Les données continuaient de défiler sans que personne ne les consultât. Je trouvais cela absurde. Je devais bien me résigner. Il n’y avait rien ici que je pusse exploiter. J’aurais dû suivre une spécialité informatique. J’avais entendu parler de personnes qui savaient entrer dans une machine et en récupérer toutes les données, peu importaient les protections mises en place. Le nombre de renseignements que j’aurais pu obtenir grâce à cela… C’était décidé, je me mettrais à l’informatique dès que possible. Ou plutôt je me trouverais un associé qui s’y connaissait déjà. Plus simple et plus pratique. Les gens avaient tendance à toujours complexifier les problèmes. Moi ce que je désirais c’était trouver la solution, trouver la vérité. J’étais bien décidé à découvrir tous les secrets de l’Empire, à commencer par explorer les moindre recoins de l’Œil qui me dominait et me fascinait depuis que j’étais enfant. La porte suivante qui accepta de s’ouvrir sans code d’accès donna sur une nouvelle salle remplit de trucs et de bidules électroniques encore une fois. Il en fut de même pour toutes les suivantes. Je devais être dans un secteur spécialisé. À défaut de comprendre à quoi servaient ces appareils, au moins je savais que l’Œil était structuré par pôle. Et si j’essayais d’appuyer sur un bouton pour voir ce que cela déclenchait ? C’était trop tentant. Certainement cela ne nuirait à personne… Juste un tout petit essai. Par pure curiosité. Impossible de résister. Je choisis l’un des boutons verts. Si c’était vert, cela signifiait positif, favorable, bénéfique, n’est-ce pas ? Aucune chance que cela déclenchât une catastrophe. Je sursautai violemment lorsqu’une main saisit mon poignet à quelques millimètres du bouton. Je n’eus pas le temps de réfléchir plus avant. Je me retrouvai férocement plaqué au sol. Ma tête résonna lorsqu’elle rencontra la dureté du plancher. J’étais conscient que des mots flottaient dans l’air, cependant j’étais incapable de leur donner un quelconque sens. Des étoiles dansaient devant mes yeux et l’abysse de l’inconscience avait ses griffes fermement ancrées dans mon cerveau. Je luttai désespérément contre elle. Je savais que m’évanouir n’était pas une option. Je n’aurais alors aucun moyen de me défendre. – Hein ? Que… Quoi ? balbutiai-je. À vrai dire, je n’étais même pas sûr que ces simples mots soient effectivement sortis de ma bouche. – Qui êtes-vous et que faites-vous ici ? La voix était encore lointaine, ce qui ne m’empêchait pas de sentir l’âpreté de son ton. Malgré mon état semi-conscient, je savais que je ne devais surtout par répondre à ces questions à ce moment, pas alors que je n’avais pas toute mon intelligence fonctionnelle. – Ma tête… murmurai-je alors. J’avais l’impression qu’elle pouvait exploser dans la seconde suivante. Une main prête à broyer ma trachée ne m’aidait pas non plus à retrouver un rythme normal. Mon agresseur n’insista pas. Il ne relâcha pas pour autant la pression. Il laissait simplement s’écouler les minutes. Le temps pourrait être suspendu tellement la situation me paraissait irréelle. C’était bien la première fois que je me trouvais aussi près des ennuis. – Qui êtes-vous et que faites-vous ici ? répéta-t-il finalement. Soit il avait perdu patience, soit il estimait que j’avais suffisamment récupéré. Ma vision commençait d’ailleurs à se stabiliser sur un visage encadré de cheveux noirs, une peau burinée par les trois soleils et deux yeux d’acier qui me transperçaient sans vaciller. Puis l’image gagna en netteté et je m’aperçus que mon assaillant que j’avais pris pour quelqu’un de la sécurité, était en réalité un jeune homme dans la vingtaine comme moi. Un coup d’œil plus bas m’apprit qu’il ne portait pas d’uniforme. J’étais à peu près certain qu’il était dans le même cas que moi. Finalement, me sortir de cette situation ne serait pas si épineux que cela. – Lysandro, me présentai-je en omettant volontairement mon nom de famille. Et toi ? – Comment êtes-vous entrez et que faisiez-vous ici ? questionna-t-il. – On peut se tutoyer, suggérai-je. On doit avoir à peu près le même âge. Déjà que ça me fait bizarre quand quelqu’un me vouvoie, mais si en plus c’est un jeune comme moi, c’est carrément dix fois plus bizarre. Tu me comprends, pas vrai ? – Tu n’as pas répondu à mes questions, répliqua-t-il en me tutoyant. Un point pour moi. – Toi non plus, répondis-je. – Darren. À ton tour. Génial, il jouait entre mes mains. Je m’en sortirais sans problème avec un type comme lui. – Ben c’est tout bête, fis-je. J’ai vu une porte mal fermée et j’ai voulu voir ce qu’il y avait de l’autre côté. – Pour arriver jusqu’ici, tu as dû passer au minimum douze sas sécurisés, me contra-t-il. – Une fois que j’y étais, j’ai continué. Je n’allais pas laisser passer une telle opportunité. Et toi comment tu es arrivé jusqu’ici ? – En ouvrant la porte. – Allez, tu peux bien me l’avouer, le tentai-je. Tu es comme moi pas vrai ? Je parie même que si tu es ici c’est parce que tu as suivi le même chemin que moi. Sinon comment pourrais-tu savoir qu’il y avait douze portes ? J’ignorais moi-même que j’avais franchi exactement douze portes. Lui apparemment avait tenu le compte. Il choisit de ne pas répondre à ma question, ce qui représentait clairement des aveux. À la place il décida de m’en poser une autre : – Pourquoi cherchais-tu à… Il s’interrompit brutalement avant de reprendre : – Tu ne savais même pas ce que tu t’apprêtais à déclencher. – Ben non, répondis-je fatidique. C’était juste de la curiosité. Tu sais ce que ça fait toi ? Je venais peut-être justement de trouver mon acolyte s’il s’y connaissait en informatique. Finalement, il n’était peut-être pas passé par le même chemin que moi. Il avait pu pirater les codes d’accès et circuler sans problème. – Si tu ignorais ce que cela déclencherait, pourquoi as-tu quand même essayé d’appuyer sur ce bouton ? insista-t-il. – Ben je te l’ai dit, par curiosité. En plus il était vert. – Et ? – Ben le vert c’est positif, bénéfique, tout ça tout ça… – Je vouvoie des personnes que je ne respecte pas et je tutoie des personnes avec qui je ne suis pas proche. Vous. Tu. Ce ne sont que des pronoms et je n’y accorde aucune importance. Si tu penses qu’en se tutoyant tu crées une proximité, ce n’est que toi-même que tu trompes. Tout comme la couleur de ce bouton t’a amené à penser qu’il était inoffensif. Pour le bouton, je m’en référais sans problème à l’expert. Pour le tutoiement, je n’étais pas d’accord. Peu importaient les illusions dans lesquelles il se berçait, le « tu » et l’usage d’un prénom apportaient indéniablement de la familiarité. Cependant, je n’avais pas l’intention de lui faire remarquer son erreur. Il serait trop tard quand il s’en apercevrait. S’il s’en apercevait. – Ok, d’accord, acquiesçai-je donc. Par contre tu ne veux pas te lever maintenant ? Je sais que je suis beau gosse mais c’est quand même prématuré tu ne crois pas ? Il était effectivement littéralement sur moi. Dans le feu de l’action, je pouvais comprendre qu’il n’ait pas réalisé l’embarras de notre position. Une fois que j’avais souligné la situation, je m’attendais à le voir rougir et à se retirer précipitamment. Il n’en fit rien. Il ne bougea pas d’un pouce et continua de me fixer de ses yeux gris. Il ne comptait quand même pas réellement m’embrasser ?! J’avais dit ça en plaisantant. – Je pourrais t’enfermer dans un placard, annonça-t-il. Il était sérieux là ?! Édité le 26 March 2022 - 14:25 par Epsilone |
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– Tu tiens vraiment à faire ça dans un placard ? demandai-je peu assuré. – De quoi… commença-t-il à son tour déstabilisé. Puis une lueur de compréhension traversa son regard. – Ton corps ne m’intéresse pas, déclara-t-il. – Pfiou, tu me rassures, soufflai-je de soulagement. À présent il semblait clairement amusé par mon quiproquo et mon précédent trouble. – Et en même temps je me sens vexé, ajoutai-je. Une minute. Pourquoi tu voulais m’enfermer dans un placard alors ? – Je n’ai pas l’intention de passer plus de temps à te maintenir ici, révéla-t-il. J’ai d’autres choses à faire. Après réflexion, le placard n’est pas une bonne idée. Avec un peu de chance, quelqu’un t’en sortirait et tu baratinerais ta liberté. – On a qu’à continuer ensemble, suggérai-je avec un sourire. – Cela me permettrait de garder un œil sur toi, acquiesça-t-il. – Génial ! me réjouis-je. Maintenant qu’on a un accord, tu me laisses me relever ? – Une fois que je t’aurais fouillé. – Hein ? Et il entreprit de faire juste ce qu’il avait dit. Je tentai de me débattre, je n’avais aucune envie que ce gars tâtât mon corps à la recherche de je ne savais quoi, mais il avorta toute mes tentatives d’une prise douloureuse m’arrachant un cri au passage. – Tiens-toi tranquille si tu ne veux pas avoir mal, me conseilla-t-il. Reconnaissant la futilité de ma résistance et surtout la souffrance que cela m’apportait, j’abandonnai toute velléité. Le moins que je pusse constater, c’était que ce gars avait l’œil. Il repéra tout. Tout ce qui était évident bien sûr, mais aussi tout mon matériel dissimulé. Y compris ma caméra miniature déguisée dans une broche représentant le symbole de l’Empire. Il commença à la démonter. Hors de question. – Hé ! Qu’est-ce que tu fais ! protestai-je. Cette caméra m’a coûté une fortu… Il plaqua ma tête au sol sans scrupule, m’envoyant une fois de plus dans les étoiles. – Il faut vraiment que tu arrêtes de faire ça, grimaçai-je quelques minutes plus tard tout en me massant le crâne. – Tu sais ce que tu as à faire si tu ne veux pas que cela se reproduise, asséna-t-il. – J’en reviens pas, tu as complètement démantelé mon équipement. Il n’y avait pas que ma caméra qui était passée entre ses mains. Pendant que j’étais dans les vapes, il en avait profité pour désassembler tout mon matériel électronique. – J’espère que tu sais tout remonter au moins, exigeai-je. – Oui, répondit-il à ma plus grande satisfaction. Plus que de simples mots, j’avais enfin la preuve de son expertise. Ne me restait plus qu’à le convaincre de devenir partenaire. Et moins violent envers ma personne aussi. – Ce qui ne veut pas dire que j’ai l’intention de le faire, ajouta-t-il. Et il broya de sa main une poignée de pièces. – Tu es fou ! me récriai-je. – Les photos et vidéos sont interdites, décréta-t-il. – C’est pas une raison pour tout casser ! protestai-je. – Cela fait un souci en moins. Il consulta ensuite mon carnet de notes. – Journaliste, déclara-t-il en y mettant le feu. – Hé ! J’avais des trucs importants là-dedans ! me rebellai-je. – Tu es sûr de vouloir maintenir ton histoire de « je me baladais par hasard, la porte était ouverte alors je suis entré » ? – Bon bon, c’est vrai, je suis journaliste, reconnus-je. De toute façon, il l’avait déjà deviné. Quand il avait lâché le terme, c’était avec certitude et non une interrogation. Inutile de mentir à ce propos. – Et c’est vrai que je cherchais une entrée, admis-je devant son regard insistant. Mais je n’ai rien forcé du tout, la porte était vraiment mal fermée. – Cela fait une porte. Il t’en reste encore onze à justifier. – Des gens polis m’ont tenu la porte ? Tu sais ce n’est pas très compliqué. Il suffit de faire comme si tu avais une bonne raison d’être là. Je peux t’apprendre si tu veux ? Il releva soudainement la tête vers l’embrasure de la porte. Je me contorsionnai pour voir ce qu’il se passait. J’avais déjà bien assez d’ennuis avec ce gars, je n’avais pas envie d’une tierce personne. Cependant il n’y avait rien. Pas un bruit, pas un mouvement. – Debout, m’ordonna le gars en se relevant promptement. Je m’empressai de retrouver une position verticale. Non pas pour lui obéir, mais pour ne plus être autant en situation d’infériorité. Je notai d’ailleurs avec satisfaction que je devais le dépasser d’au moins cinq centimètres. – Tu vas me suivre, poursuivit-il. Si tu tentes de t’enfuir, je t’abats. Si tu tentes un coup fourré de quelque sorte, je t’abats. Est-ce clair ? – Limpide, répondis-je. J’ai juste une question, tu comptes m’abattre avec quoi exactement ? Tu n’as aucune arme sur… Je m’interrompis quand je me retrouvai soudainement avec un canon entre les deux yeux. – D’autres questions ? m’interrogea-t-il. Je fis non de la tête. Il sembla satisfait et rangea son arme aussi vite qu’il l’avait sortie. Je ne me risquerais pas à lui demander s’il savait viser. Probablement que la réponse serait positive. Je devais d’abord me rapprocher de lui, en faire mon ami afin qu’il m’accordât sa confiance. Une fois que nous serons partenaires, ses compétences me seraient de la plus grande utilité. Chaque chose en son temps. Lorsqu’il se mit en route, il ne me jeta pas un regard, pas même pour s’assurer que je suivais bien ses instructions. Était-il naïf à ce point pour croire que parce qu’il exigeait quelque chose le monde se plierait gentiment à ses demandes ? L’image du canon juste devant mon visage s’imposa aussitôt à moi. Non. Ce n’était pas quelqu’un de crédule. Je ne devais surtout pas partir de ce principe-là. Ce gars m’avait minutieusement fouillé, découvert tout le matériel que je dissimulais et se savait plus fort que moi physiquement. J’avais peut-être quelques centimètres de plus que lui mais il savait de toute évidence se battre. Ce n’était pas mon cas. J’avais bien eu quelques embrouilles qui s’étaient réglées avec les poings, cependant j’évitais soigneusement que tout conflit dégénéra à ce point car j’avais rarement le dessus si je n’avais pas un avantage au départ. Mes armes à moi, c’était les mots. – Euh, Darren, c’est ça ? l’interrogeai-je pour rompre la glace. En réalité, j’avais parfaitement retenu son nom et n’avait aucun doute. C’était un détail auquel je portais toujours attention. J’étais persuadé que les noms avaient un pouvoir et étaient la clé pour entrer dans le cœur des gens. – Oui, acquiesça simplement mon futur partenaire. – Comment m’as-tu trouvé ? demandai-je curieux. – Tu agissais bizarrement alors je t’ai suivi, révéla-t-il. – Comment ça bizarre ?! me récriai-je. Cela fait des années que je travaille mon air naturel ! Il ne répondit pas mais ouvrit une porte à l’aide son réceptron puis d’un code qu’il ne me laissa malheureusement pas apercevoir. – Whaou, soufflai-je impressionné. Il faut que tu m’apprennes à faire ça. – À faire quoi ? demanda-t-il étonné. – À ouvrir les portes ! – Gravis les échelons, elles s’ouvriront, répliqua-t-il. – Ha, ha, très drôle, m’exaspérai-je. Tu es plutôt dans le sarcastique toi. Darren avait peut-être brûlé mes notes et détruits mes enregistrements, cependant j’avais une excellente mémoire. Je n’aurais aucun mal à rédiger mon article après ma balade dans l’Œil. – Abandonne cette idée, me conseilla Darren. – De quelle idée parles-tu ? demandai-je intrigué. – De révéler des détails sur les parties secrètes de l’Œil. Plus notre discussion avançait, plus j’avais l’impression qu’il lisait dans mes pensées. – Tu plaisantes j’espère ? répondis-je. C’est la chance de ma vie. Une occasion inespérée de révéler au monde entier ce qu’il se cache au cœur même de notre faction. – Tu n’iras pas bien loin si tu continues de t’entêter dans cette voie-là, me prévint-il. – Attends, grâce à un tel article je vais devenir aussi célèbre que Risdam Fayrrioh ! Cela ne sembla lui faire ni chaud ni froid. – Tu ne connais pas Risdam Fayrrioh ?! m’exclamai-je outragé. C’est le plus grand journaliste de notre époque ! Il a sorti des articles hyper détaillés des secrets les mieux gardés ! Il n’hésite même pas à critiquer les décisions de notre Empereur ! – Si tu veux un jour occuper la place de Risdam, je te conseille de commencer par faire profil bas, fut tout ce que Darren me répondit. – Mais tu ne réalises pas ? Mon devoir en tant que journaliste est d’apporter la vérité au public. Les gens ont le droit de savoir. – Tu es un injecté ? me demanda-t-il soudainement. – Euh… Non. Ma famille est néogicienne depuis six générations. – Alors le principe de compartimentation de l’information ne doit pas t’être étranger. – Bien sûr que non, répliquai-je. On me rabâche ça depuis que je suis né. C’est bien pour ça que je veux découvrir la vérité. – Et tu penses que c’est en brisant les règles que tu y parviendras ? Visiblement, lui et moi n’étions pas d’accord sur le sujet. Mieux valait pour l’instant ne pas insister. Je l’amènerai à mon point de vue sur de la longue durée. – Je ne cherche pas à enfreindre la loi, répondis-je donc. Je suis juste curieux, voilà tout. – Non. Si ce n’était que de la curiosité, tu ne chercherais pas à l’exposer « au monde entier ». Tu as même cité Risdam Fayrrioh. Ce que tu cherches réellement, c’est de la reconnaissance. |
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– Hein ? Euh… Je… Non. Écoute, j’accepte l’idée que tu lises dans mes pensées, mais là, ça va au-delà. Il eut le culot de rire. Oh, ce n’était pas un fou rire. C’était même plutôt discret. Quelque chose de chaud et léger. Mais il se gaussait quand même de moi. – Je n’ai pas la capacité de lire dans les pensées, expliqua-t-il. Tu es juste transparent. – Qu… Quoi ?! Tu ne peux pas me sortir ça comme ça. Ça fait des années que je bosse sur mes expressions ! – Plus notre conversation avance et plus tu me fais penser à un enfant qui se voit déjà adulte, remarqua Darren. Commence par écrire un article sur les smourbiffs avant de produire un reportage à sensation. – Non mais je rêve ? On doit avoir à peu près le même âge, et tu oses me faire la morale ? Et puis un article sur les smourbiffs ? – L’âge et la maturité sont deux termes distincts, répondit-il. Pour ce qui est des smourbiffs, quelques-uns se sont installés dans le parc d’Astrald Lucans récemment. De quoi faire un joli article. – Je ne vais pas me laisser dicter ma conduite par un gosse, me révoltai-je. Et je décidai ici même de cesser de le suivre. J’accélérai le pas pour le dépasser et pris la première à droite. Puis le sol se déroba sous mes pieds. J’eus à peine le temps d’hurler ma surprise qu’un étau d’acier serra mon avant-bras, m’empêchant de tomber. – Darren, fis-je soulagé. Mon sauveur me souleva un peu plus avant de pivoter pour me faire regagner le plancher. Il avait réalisé toutes ces actions d’un seul bras. Les Néogiciens avaient une force physique surdéveloppée comparée aux Olydriens, nous devions d’ailleurs effectués des tests de nos capacités à intervalles réguliers, mais j’aurais été incapable de réaliser l’exploit de Darren. – Merci, soufflai-je une fois que mon rythme cardiaque redevint un peu plus régulier. Il ne m’accordait pas la moindre attention. Il avait un genou à terre et étudiait le trou qui avait manqué m’engloutir. Je m’approchai précautionneusement. De forme plus ou moins circulaire, le pourtour était irrégulier mais lisse. En observant attentivement, les bords semblaient tendre les uns vers les autres, comme s’ils cherchaient à se rejoindre. – Qu’est-ce que c’est ? demandai-je. Le sol… bouge ? – Un nouveau composé que des chimistes ont inventé pour régénérer la matière, m’expliqua Darren. Il a commencé à être implanté sur les niveaux souterrains de l’Œil. – Attends. Tu es en train de me dire que le sol est en train de se reconstruire tout seul ? C’est complètement dingue ! Comment ça se fait qu’on n’est pas au courant ? Comment ça se fait que tu es au courant ? – Oui. Car c’est encore au stade expérimental. Car je connais les inventeurs. – C’est dingue, répétai-je sans assimiler ses réponses. Je tendis la main pour toucher, la bordure, me demandant quel effet cela ferait. Est-ce que mes doigts seraient repoussés ? Ou peut-être la matière se reconstruirait-elle autour, emprisonnant ma main ? Une fois encore, Darren arrêta mon expérience avant même que je n’ai pu toucher quoique ce soit, bloquant fermement mon poignet. J’étais certain qu’avant la fin de la journée, une ecchymose se serait développée. – Un produit corrosif a été versé pour faire ce trou dans le sol, déclara Darren. Je doute qu’il soit bon pour la peau. Je retirai précipitamment ma main. – Pourquoi tu ne me l’as pas dit avant ? lui reprochai-je. – Tu ne m’en as pas laissé le temps. Me remémorant ma curiosité hâtive avec quelque embarras, je choisis d’orienter la conversation sur un autre sujet. – Pourquoi une substance corrosive aurait été renversée ici ? Par maladresse ? m’interrogeai-je. L’idée de jouer le détective me plaisait beaucoup. Après tout, c’était le métier de journaliste que de découvrir la vérité. – Si loin des laboratoires de chimie, ce n’est pas un accident, exposa Darren. Il y a un autre intrus qui se promène dans les sections fermées de l’Œil. – Tu as toujours réponse à tout, m’étonnai-je amusé. – Non. – Attends. Qu’est-ce que tu entends par « un autre intrus » ? Il y en a un premier ? – Au moins toi. – Ah… Euh… Oui… Mais non. Je n’ai rien cassé. – Je ne vois pas le rapport avec ta présence non-autorisée en ces lieux, répliqua Darren. Et tandis que je cherchais désespérément une réplique, Darren sauta dans le trou. Il regarda à droite et à gauche. – Dépêche-toi, m’enjoignit-il sans détourner son attention des passages horizontaux. – Ce n’est pas un peu haut ? demandai-je appréhensif. – Plie bien les jambes à l’arrivée, me conseilla-t-il. Et ne touche pas les bords. Ma peur de sauter m’avait fait presque oublier leur corrosivité. Dans quelle histoire je me retrouvais embarqué ? J’aurais plein de sujets d’articles en sortant d’ici, voire même un roman. Cependant, pour l’instant, j’éprouvais plus d’effroi que d’excitation. Je soufflai un bon coup. Je pouvais le faire. Je m’élançai, prenant bien soin de garder mes membres près de mon corps afin de ne surtout pas accrocher la lisière du trou. L’atterrissage eut lieu tout en douceur. Darren m’attrapa avant que je n’atteignisse le sol et ralentit ainsi ma chute. – Tu as une sacrée force, commentai-je. – C’est plus une question de coordination, me contredit-il en se mettant en marche. – De coordination ? répétai-je en le suivant. C’était une technique imparable pour faire parler les gens. Darren tourna à droite. – D’intervenir au bon moment et de t’attraper au bon endroit, expliqua-t-il. Si j’avais agrippé ton bras, tu n’aurais pas su le tenir près de ton corps et tu te serais retrouvé suspendu. Comme il n’y avait pas assez de hauteur pour te suspendre, tu aurais fini par terre. – Très bonne coordination, le félicitai-je donc. Il continua tout droit, tourna encore à droite, ignora un couloir à gauche, puis descendit une volée de marches sur deux étages. Pas une fois il n’hésita sur la direction à suivre. – Comment sais-tu par où ils sont passés ? lui demandai-je. Ou alors tu sais après quoi ils sont et tu nous y mènes directement ? Cette fois-ci, il m’ignora complètement. Il paraissait extrêmement concentré. Probablement était-il sur la piste des intrus et cherchait des indices de leur passage. Indices qu’il devait relever rapidement vu la vitesse de sa progression. J’étais presque étonné que nous ne nous missions pas à courir. Darren ouvrit finalement la porte d’un placard à balai. – Tout ça pour ça ? fis-je sceptique et déçu. Tu as clairement pris un mauvais tournant. Je n’avais pas fini ma phrase qu’il disparaissait dans le sol. Un autre trou avait été creusé chimiquement dans un recoin du placard, dissimulé par l’obscurité. – La voie est libre. Tu peux venir, s’éleva la voix de Darren une poignée de secondes plus tard. Je procédai de la même façon que précédemment, faisant confiance à Darren pour me rattraper. La chute me parut interminable. Les pieds finalement au sol, je pus constater que la pièce dans laquelle nous nous trouvions avait effectivement un plafond trois fois plus haut que les couloirs parcourus jusqu’à présent. – Comment tu as fait pour ne rien te casser en sautant ? demandai-je à Darren stupéfait. Comment tu as fait pour me rattraper ? – Dépêchons et en silence, fut la seule réponse à laquelle j’eus droit. J’eus à peine le temps d’admirer la pièce servant visiblement de débarras à de l’ancienne technologie, que Darren m’emmena droit dans un mur. Ce coup-ci, nos intrus avaient utilisé leur acide sur la paroi. Cela produisait un effet assez étrange. Le mur essayait de se refermer comme les sols précédemment, sauf que l’acide continuait de ronger doucement le mur vers le bas. Finalement, c’était un peu comme si le trou se déplaçait. Sans hésiter, Darren plongea la tête la première au travers de la brèche et roula de l’autre côté pour amortir sa chute et se relever promptement. Toute cette opération fut effectuée avec la plus grande classe. Il ne me restait plus qu’à l’imiter. Prenant mon courage à demain, je sautai. Le vol m’emplit d’adrénaline. J’utilisai mes bras pour toucher le sol et amorcer ma roulade. Mon bras gauche céda. Puis je m’écrasai stupidement et douloureusement au sol, dérapant à plat ventre sur quelques mètres. Je sifflai entre mes dents. – Retire ton pantalon, m’ordonna aussitôt Darren. – Quoi ? J’avais dû mal entendre. – Tu as frôlé le bord suffisamment près pour que le produit corrosif touche ton pantalon, m’expliqua Darren. Je n’attendis pas d’en savoir davantage pour me remettre immédiatement sur mes pieds et défaire ma ceinture. Bien évidemment, c’était toujours quand on était pressé qu’on n’arrivait à rien. Darren dégagea mes mains et effectua la manœuvre lui-même d’une main assurée avant de baisser le vêtement jusqu’à mes chevilles. Je pus alors bondir hors de ce piège et m’étaler une fois de plus au sol en me prenant les pieds dedans. |
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– Debout, exigea Darren. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire une pause. J’avais mal. Et aucune envie d’aller plus loin. Puis je songeai à l’article que j’écrirai sur cette enquête et je me relevai. C’était la chance de ma vie. Hors de question de la gâcher en restant stupidement par terre à attendre la fin de l’histoire. – Ok je suis prêt, allons-y, déclarai-je donc courageusement. Euh… Tu n’as pas un pantalon à me prêter par contre ? Me déplacer en caleçon, c’était quand même la honte. Les gens ne me prendraient jamais au sérieux. Et tout le monde me dévisagerait. – Non, répondit Darren. Un pantalon de rechange ne fait pas partie de mon équipement. – Et bien tu devrais, protestai-je faiblement. On ne sait jamais ce qui peut arriver. – Certes, admit-il. Mais je n’en ai jamais eu besoin jusqu’à présent. Ni pour moi, ni pour personne. – Merci de me faire remarquer que je suis le premier à perdre son pantalon devant toi. Vas-y, ajoute en une couche… – Par contre, j’ai déjà changé des couches dans des situations complexes. – Hein ? Que voulait-il dire par là ? Et puis d’où sortait-il ? Plus je le fréquentais, plus je me posais de questions sur lui. Il était… étrange… différent… – Ça brûle, me plaignis-je en le suivant. – C’est une réaction normale de ton corps, m’expliqua Darren. Cette chaleur permet de détruire et éliminer les microbes qui sont entrés par tes différentes plaies. De plus, cela favorise l’efficacité des macrophages qui... – Macro quoi ? l’interrompis-je complètement perdu. – Macrophages, répéta Darren. Ce sont des cellules immunitaires permettant de… – Laisse tomber, je comprends rien à ce que tu me racontes. Il n’insista pas, à mon plus grand désarroi. D’habitude, les grosses têtes aimaient bien étaler leur savoir. D’autant plus si le public n’y connaissait rien. Les gens adoraient montrer leur supériorité, quelque fût leur domaine de prédilection. Tout le monde. Mais lui non. – Donc tu t’y connais en informatique, en chimie, en médecine… énumérai-je. Y a quelque chose que tu ne maîtrise pas ? – Tu fais erreur, me corrigea-t-il. Je ne suis un expert dans aucun de ces domaines. Je ne possède que quelques bases. – Ben c’est des bases bien fournies, grommelai-je envieux. Et ça brûle toujours. – Ce n’est pas une douleur insupportable, affirma-t-il. – Facile à dire pour toi, tu n’as pas une égratignure. – Pense à ton article sur les smourbiffs, me conseilla-t-il. Cela occupera tes pensées et détournera ton attention. – Sur les smourbiffs ? fis-je sceptique. Ah. Tu es encore sur cette colonie dans le parc. C’est nul. Je ne vais pas écrire un truc là-dessus. Y a rien à dire sur des bestioles que tout le monde connaît. Si encore un truc tragique leur était arrivé, y aurait moyen de faire quelque chose. Mais qu’est-ce que tu veux raconter sur un machin pareil ? – Pour un journaliste, tu n’as pas beaucoup de vocabulaire, remarqua-t-il. – De quoi ? Quelle entourloupe me narrait-il à présent ? – Truc, machin, chose, énuméra-t-il. Ce n’est pas diversifié ni précis. – Bah, c’est de l’oral, commentai-je. Je n’écris pas comme je parle. – Heureusement que tu ne fais pas de vidéo dans ce cas. Pour en revenir à ton article, n’écris rien de ce que tu auras vu, entendu ou appris ici. Je m’apprêtais à acquiescer pour l’apaiser même si je pensais et ferais tout le contraire, quand une voix féminine nous interrompit : – Darren, salua-t-elle joyeusement. – Bonjour Lyniëlle, répondit poliment le susnommé en reconnaissant visiblement la femme. Je lui donnais une quarantaine d’années. Elle possédait un sourire charmeur qui avait dû faire tourner bien des têtes. Et continuait même probablement de le faire. – Tes cheveux sont détachés, fit remarquer Darren. Ce qui était effectivement le cas, mais je ne voyais pas l’utilité d’un tel commentaire. – Ah oui, mauvaise habitude, reconnut la femme en les coiffant rapidement en chignon. Les années passent et je suis toujours pareille. Je devrais peut-être les couper courts. Cela réglerait le problème. – Pourquoi ses cheveux ne peuvent pas rester détachés ? demandai-je curieux et abasourdi. – Et bien ce serait dangereux si mes cheveux venaient à tremper dans une mixture, expliqua la concernée. – Parce que vous risquez souvent d’avoir vos cheveux dans un produit ? fis-je sceptique. – Tous les jours, répondit-elle le plus sérieusement du monde. Qu’elle était cette folle à présent ? – Au fait Darren, c’est normal que ton ami se balade en caleçon ? s’enquit-elle. Ma mâchoire se referma dans un claquement sec. Je me retins désespérément de hurler. J’étais mort d’embarras. Il était encore heureux que je portasse ce jour un caleçon d’un bleu uni et non l’un des sous-vêtements fantaisistes que mes « amis » avaient pu m’offrir ces dernières années. – Ce n’est pas mon ami, la corrigea Darren. Vraiment, il n’était pas obligé d’insister sur ce point avec un air aussi blasé. – Il a laissé traîner son pantalon dans l’acide, expliqua mon non-ami. – Et après il se demande pourquoi je m’attache les cheveux ? Drôle d’énergumène. Bon, je ne te retiens pas plus longtemps Darren, déclara-t-elle. Je suppose que tu as du pain sur la planche. À l’occasion passe me voir. Tu sais où je me trouve. Et elle partit dans le sens opposé à nous. – C’était qui ? demandai-je à Darren une fois que nous fûmes loin des oreilles de la dingue. – La chimiste qui est en charge d’analyser le produit corrosif employé par les intrus, m’éclaira Darren. – Ah… La conversation faisait soudainement sens. À peu près. – Comment tu sais ça ? l’interrogeai-je. – C’est moi qui l’ai contactée, répondit-il. – Hein ? – Avec mon réceptron. Quand avait-il eu le temps d’envoyer un message ? J’avais été avec lui à chaque instant ! Pas une fois je ne l’avais vu sortir un quelconque objet ressemblant à un réceptron. À noter que je ne l’avais pas non plus vu sortir son arme à feu avant qu’elle ne fût pointée sur moi. – C’est encore loin ? m’enquis-je après avoir croisé encore quatre personnes qui m’avaient dévisagés bizarrement même si elles s’étaient abstenues de commenter mon accoutrement. – Je ne sais pas, répondit Darren. – Comment ça tu ne sais pas ? fis-je outré. C’est toi qui nous guide ! – Je suis une piste, énonça-t-il. Si je connaissais leur destination nous y serions déjà. – C’est vrai, reconnus-je. Comment tu fais du coup pour les suivre aussi sûrement ? Pour récolter des indices en un clin d’œil ? J’avais créé l’occasion parfaite pour lui soutirer des informations. J’étais vraiment génial. – Je me concentre, fut sa réponse laconique. – C’est pas une réponse ça, protestai-je. – Silence, m’imposa-t-il. Tu vas me faire perdre le fil. Le fil de quoi ? Normalement quand on enquêtait, on remontait la piste indice après indice. On trouvait un indice. On avançait. On cherchait le suivant. Et ainsi de suite. Or la réflexion de Darren laissait à penser qu’il y avait une trace continue qui pouvait être interrompue à n’importe quel moment si l’on cessait d’y prêter attention. Par ailleurs, jusqu’à présent, Darren avait toujours répondu à mes questions, allant parfois dans un détail qui me dépassait complètement. Alors que là, il n’avait donné qu’une expression vague, me condamnant ensuite au silence. Si j’assemblais tous les indices, cela signifiait que Darren avait une méthode non conventionnelle et secrète pour pister des gens. Il avait également affirmé ne pas être un intrus et j’avais même d’abord songé que je m’étais fait avoir par la sécurité. Je ne croyais pas non plus qu’il m’avait repéré parce que j’avais l’air louche. J’étais bien trop entraîné à paraître normal pour cela. C’était sa particularité qui l’avait guidé jusqu’à moi. J’avais entendu plusieurs rumeurs sur des expériences réalisées sur des gens pour « faire avancer la science ». J’étais prêt à parier que c’était le cas de Darren. Il avait probablement été le cobaye d’une expérience qui avait miraculeusement bien tournée et en était ressorti avec une capacité à repérer les intrus. Peut-être même voyait-il réellement un fil se matérialiser, lui permettant de suivre les gens. Je me devais d’en savoir plus. J’étais certain que je tenais là le plus bel article de ma carrière. Par où commencer… Si je posais des questions trop directes, Darren les éluderait ou me mentirait ouvertement. Subtilité était le mot clé. – Tu vis encore chez tes parents ? lui demandai-je brutalement. Édité le 21 April 2021 - 21:15 par Epsilone |
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Avec une question sortie de nulle part, au milieu du néant, il me répondrait naturellement. Et naturellement, la première pensée qu’il aurait serait pour la vérité. – Je n’ai plus de parents, lâcha-t-il effectivement en me jetant un regard mi-surpris, mi-méfiant. J’en étais sûr ! La technologie se servait des orphelins pour mener ses expériences. Après tout, personne ne viendrait protester ou réclamer quoi que ce fût pour des enfants dont personne ne voulait. – Je suis désolé, je ne savais pas, murmurai-je essayant d’avoir l’air contrit. – Je ne comprends toujours pas pourquoi les gens s’excusent alors qu’ils n’ont aucun lien avec ce qu’il s’est passé, murmura Darren. – Cela a dû être compliqué pour toi de perdre tes parents si jeune, compatis-je pour mieux lui soutirer des informations. À vrai dire, je n’avais aucune idée de l’âge auquel il était devenu orphelin. Cependant, au vu de son ton désintéressé, cela devait être de l’histoire ancienne pour lui. Ma supposition ne devait guère être éloignée de la réalité. – Non, me répondit étonnement Darren. C’est mon père qui s’est débarrassé de moi. – Quoi ?! m’écriai-je choqué. Son histoire était encore plus tragique que ce que j’avais pu imaginer. Un enfant abandonné par ses parents et récupéré par la science… Le scientifique qui se donnait le rôle du sauveur et récupérait la loyauté de l’enfant seul et désespéré… Mon article allait cartonner ! – Si c’est une interview que tu es en train de faire, oublie-moi, intervint Darren. J’avais négligé que parmi ses nombreux pouvoirs, il avait la capacité de lire dans les pensées. Je devais vraiment faire attention aux moindres détails. – Pas du tout, c’était juste de la curiosité, me défendis-je donc. – De la même manière que la curiosité t’a poussé à t’introduire dans un lieu qui t’est interdit, répliqua-t-il. Tu n’écriras pas un mot sur moi. J’ignorais si sa dernière assertion était un ordre ou une affirmation. En tous cas, elle n’avait rien d’une question. La lourde tâche de répondre me fût retirée par l’arrivée d’un homme d’un couloir perpendiculaire. – Risdam, l’interpela Darren. C’était à croire qu’il connaissait tout le monde. – Est-ce que tu peux… – Désolé gamin, je suis pressé, le coupa l’homme. On se voit plus tard ? – C’était un besoin immédiat, expliqua Darren. Ce n’est pas grave. – Ok, acquiesça l’homme. Bon courage. Il ébouriffa les cheveux de Darren au passage avant de disparaître plus loin. – C’était qui encore ? m’enquis-je presque exaspéré. Attends. Tu l’as appelé Risdam. Comme Risdam Fayrrioh ?! – Celui-là même, opina Darren. Dépêchons-nous. – C’était Risdam Fayrrioh et tu ne m’as rien dit ?! m’insurgeai-je outré. Tu connais personnellement Risdam Fayrrioh et tu ne m’as rien dit ?! – Je n’en vois pas l’intérêt, répondit-il calmement. Arrête de hurler. – Je n’en reviens pas, m’ahuris-je en modérant ma voix. Tu connais le Risdam Fayrrioh… Cette fois-ci il m’ignora complètement. – Je croyais que les journalistes étaient interdits ici ? réalisai-je. – Certains ont des accréditations pour certains secteurs, m’informa Darren. Aucun d’eux n’est un débutant. J’encaissai. Nous continuâmes un moment en silence pendant que je réfléchissais à comment relancer la conversation. Darren s’arrêta soudainement et me fit signe de rester silencieux. Un peu plus loin devant nous se trouvait un nouveau trou réalisé à l’acide dans le mur. J’avais beau tendre l’oreille, je n’entendais rien d’autre que ma respiration et les battements de mon cœur dont le sang venait battre jusqu’à mes tempes. J’eus ensuite droit à un signe de rester où je me trouvais. Comme si j’allais manquer le feu de l’action ! En même temps, il ne faudrait pas non plus que je me retrouvasse au milieu du feu de l’action. Ce fut ainsi que lorsque Darren plongea avec sa classe habituelle à travers la brèche, je me précipitai à sa suite, en prenant bien soin de rester de ce côté du mur. J’avais là une vue imprenable sur l’action tout en restant soigneusement protégé. Je pus donc observer Darren atterrir en roulant au sol et sortir de je ne savais où une nouvelle arme. Il n’avait pas fini de se relever qu’il tira dans la jambe d’un intrus qui s’effondra en hurlant. – Abandonnez, leur ordonna Darren en envoyant une nouvelle salve de rosaphir qui manqua sa cible. – Et puis quoi encore, déclara la femme qui devait être leur chef. On n’est pas allé aussi loin pour se faire arrêter par un gosse qui passait par-là et a voulu jouer aux héros. Mis à part le gars qui continuait de se tordre de douleur au sol, les intrus étaient toutes des femmes qui devaient avoir entre trente et cinquante ans. À l’évidence, elles n’avaient pas amené que leur passe-muraille. Les quatre femmes semblaient barder de fioles en tous genres et de toutes les couleurs prêtes à être dégainées. – Si vous ne voulez pas détruire ce que vous êtes venues chercher, vous avez intérêt à bien choisir vos substances, leur fit remarquer Darren. Comme pour lui montrer qu’elle n’avait pas peur, l’une d’elle envoya une fiole au liquide bleuet se briser aux pieds de Darren. Néanmoins ce dernier n’avait pas attendu qu’elle explosât et s’était mis hors de portée. À l’endroit même où la fiole explosa jaillit une gerbe de glace. Ce fut le signal du début du combat. Les femmes utilisaient leurs fioles comme projectiles tandis que Darren les arrosait de rosaphir. Je n’avais aucune idée de l’effet des produits chimiques mais apparemment ce n’était pas le cas de Darren qui évitait les effets parfois spectaculaires des différents produits. Au milieu de tout ce bazar, il réussit à faire tirer une fiole verte à l’une des femmes à l’emplacement exact où une fiole rouge s’était écrasée quelques secondes auparavant. Il se dégagea alors un nuage de fumée pourpre qui occupa rapidement toute la salle, se répandant même jusqu’à ma position. Je m’éloignai précipitamment ne souhaitant pas connaître personnellement les effets d’une telle combinaison. J’entendis quelques toux rauques provenir de l’intérieur. Puis le coup d’un objet contondant contre de la chair. Et plus rien. Selon toute vraisemblance, Darren ne maîtrisait pas la chimie comme j’avais pu le croire. Une ombre immense et inquiétante se dessina soudainement au milieu de la brume. L’association de ces produits chimiques avait créé un monstre mutant ! Quand ils avaient inhalé la fumée, cela avait dû faire fusionner une partie de leurs corps en une association bizarre et anormale. Et maintenant j’allais me faire dévorer par cette créature construite de toutes pièces ! Pourvu qu’elle soit végétarienne. Le monstre se baissa et le haut de son corps se détacha pour venir rouler de mon côté du mur. Je ne pus retenir un cri de terreur. Mon hurlement redoubla d’intensité quand une seconde partie se détacha du corps principal pour venir rejoindre la première. Je serais parti en courant si mes jambes n’avaient pas présentement la texture d’un flan. Une chaleur envahit mon entrejambe. Ma vessie venait de lâcher. Je priai pour que l’odeur repoussât cette créature tout droit sortie d’un cauchemar et qui grandissait et se multipliait à l’infini. Des soldats arrivèrent finalement des deux côtés, alertés par mes cris. L’un des groupes était légèrement équipé tandis que l’autre devait probablement se préparer à une attaque commando au vu du matériel lourd que les soldats se trimballaient. Cela me convenait parfaitement. – Que se passe-t-il ? demanda l’un d’entre eux. – Qu’est-ce que c’est que ça ? s’inquiéta un autre. La dernière partie du monstre choisit cet instant pour franchir le mur. Elle se changea en boule avant de se dresser sur ses pattes arrières. Le monstre s’arracha alors le visage. Je m’attendais à ce que du sang ou une autre substance jaillît, mais il ne s’agissait en fait que d’un masque qui révéla le visage de Darren. Ma mâchoire se décrocha sous le coup de la surprise. Édité le 01 May 2021 - 22:24 par Epsilone |
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– Teknögrade Merryl, ne tirez pas, énonça Darren. Les soldats se mirent aussitôt au garde-à-vous. – Vous quatre, bloquez les issues, ordonna Darren. Je contacte une équipe pour désenfumer le lieu. En attendant leur intervention, personne ne doit passer. Cette fumée est toxique. – À vos ordres ! saluèrent les désignés. – Vous autres évacuez ces cinq-là dans le secteur médical de la prison. Même si je les ai rapidement sortis, ils ont respiré de la fumée. J’envoie un rapport pour les prévenir de votre arrivée. Tout ce petit monde s’exécuta comme une machine bien rôdée tandis que je réalisais alors que les « parties » dont le monstre s’était séparées étaient en réalité les corps des intrus que Darren avait simplement fait passer de l’autre côté du mur. Je me sentais soudainement extrêmement bête dans mon caleçon souillé. Deux des femmes avaient un masque filtrant sur le visage. Une autre n’avait visiblement pas eu le temps de le mettre correctement car il ne couvrait que son front, lui donnant un air d’outre-tombe. – Debout, m’ordonna Darren en s’intéressant de nouveau à ma personne. Je n’avais même pas réalisé que mes jambes avaient fini par complètement me lâcher. – Euh... Hum… Alors comme ça tu es teknögrade ? m’enquis-je plus pour me changer les idées que par curiosité. J’avais besoin de retrouver un sentiment de normalité. Et parler, converser, était pour moi une nécessité. Darren dut le sentir car il se prêta à l’exercice. – Effectivement, acquiesça-t-il. – Ça explique bien des choses… marmonnai-je. Mais vu son âge, cela confirmait ma théorie d’expériences scientifiques sur orphelins. – Comment as-tu fais pour leur voler un de leur masque avant de t’étouffer avec la fumée ? demandai-je. – Je ne le leur ai pas volé, me contredit-il. J’ignorais si elles en possédaient avant qu’elles ne les sortent. Le mien m’a été donné par Lyniëlle. – La chimiste qu’on a croisée plus tôt ? m’étonnai-je. À quel moment ? – Oui, confirma Darren. Pendant la conversation. Je lui avais demandé de m’en rapporter un. Au vu de la nature de leur attaque, j’ai pensé qu’ils pourraient utiliser d’autres produits dont certains volatils. – Je n’ai strictement rien vu, m’ahuris-je. Depuis le début j’ai l’impression d’avoir manqué la moitié des informations. – Tu en as déjà trop vu, me reprocha Darren. – C’est toi qui m’as demandé de te suivre, lui rappelai-je désespéré. – Je ne t’ai en revanche pas demandé de t’introduire dans les étages restreints de l’Œil. J’aurais d’ailleurs préféré te délivrer à quelqu’un de confiance mais il n’y avait personne de disponible dans les environs. – Euh… Et ces soldats ? suggérai-je inutilement. – Je m’apprêtais à les appeler quand nous avons trouvé les intrus. – Ah… Alors tu comptais vraiment te débarrasser de moi ? – M’as-tu été d’une quelconque utilité ? – Euh… Je t’ai tenu compagnie ? Comme ça, tu ne t’es pas senti trop seul ? Non ? Même pas un tout petit peu ? Il se contenta de me regarder. Il y avait dans ses yeux une telle intensité que je craignais qu’il ne possédât aussi comme capacité de tirer des lasers via ses pupilles. Je me dépêchai alors de me relever, mal-à-l’aise dans mon caleçon humide. Décidément, la honte était totale pour aujourd’hui. Néanmoins j’avais de quoi écrire un article qui révolutionnerait l’Empire. – Lysandro, m’interpela Darren. – Oui ? demandai-je. Il ne poursuivit pas. Je me retournai finalement dans sa direction. Ce ne fut qu’une fois que mes yeux furent plongés dans l’acier des siens qu’il continua : – Tiens-t’en aux smourbiffs. |
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Scène bonus #6 Ode à la technologie C’est dans le parc d’Astrald Lucans, dédié au fondateur de Centralis et génial inventeur du dôme de Rosaphir, qu’une colonie de smourbiffs a choisi d’élire domicile. Certains y voient déjà un signe positif, célébrant la vie, ces petites créatures inoffensives pouvant prospérer en toute quiétude. Comment donc ne pas faire le parallèle avec la technologie qui, contre vents et marées, face aux assauts répétés des adorateurs de la magie, a su fleurir, étendant toujours plus loin ses convictions ? Chaque vie est précieuse et c’est avec plaisir et émotion que nous la voyons s’épanouir dans un lieu aussi symbolique que ce parc. En effet, au milieu des smourbiffs, crapahutent les bambins, émerveillés par une beauté aussi simple que l’existence de ces petits êtres vulnérables et si mignons. Comment rester insensible à ces adorables boules de poils se dandinant maladroitement sur deux pattes ? Au milieu des smourbiffs communs vous aurez peut-être la chance comme moi d’apercevoir un smourbiff à crête bleue dissimulé au milieu des fleurs. En tous cas, j’en suis certain, nous observerons tous avec impatience ce nid d’amour évoluer. Et je puis vous assurer que votre dévoué serviteur sera au rendez-vous et vous tiendra informés des moindres détails. Bien évidemment, la question que tout le monde se pose est de savoir comment ces smourbiffs sont arrivés jusque dans le parc d’Astrald Lucans. Et bien, très cher lecteur, votre humble serviteur a la réponse. Les smourbiffs sont par nature joueurs. Ils sembleraient que certains d’entre eux aient choisi de se cacher dans une navette ramenant des blessés du front. Ainsi protégés, les smourbiffs ont pu franchir le dôme de Rosaphir en toute sécurité. Ils se sont ensuite échappés à leur arrivée et ont fini par élire domicile au parc d’Astrald Lucans. Rappelons encore qu’Astrald est le fondateur de la dynastie des Lucans, choisi par le précédent et clairvoyant Empereur Albörtan. En léguant son pouvoir à la famille ayant jadis découvert et révéler la technologie, ce dernier a ainsi reconnu le droit à la technologie de prospérer en symbiose avec la magie. Un monde de paix et d’harmonie, n’est-ce pas là le rêve de chacun ? Ponté DEVOLANGE |
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