Elle laissa quelques secondes d’avance à sa proie, pour ne pas apparaitre alors que rien ne pourrait la dissimuler dans ce sous-sol, puis une fois la voiture sortie dans un vrombissement, elle commença à trotter, profitant de chaque zone d’ombre pour disparaitre.
Une fois dehors elle accéléra, n’hésitant pas à sauter sur les balustrades des immeubles pour éviter qu’un piéton ou l’humain dans la voiture ne la repère.
Elle avait un peu sous-estimé la puissance de la machine à roue qui prit un peu plus d’avance qu’elle ne pensait lui laisser, mais tant qu’elle restait dans son champ de vision ce n’était pas un problème.
La voir faire des zig-zags et des détours l’amusa beaucoup : l’instinct de la proie était éveillé et cela ne rendait la chasse que plus excitante. Et le faire dans cette tenue qui lui permettait de gouter à chaque vibration que ses mouvements provoquaient alimentait ces délicieux frottements aux endroits adéquats qui en plus d’aiguiser son appétit, stimulait sa libido car chez ceux de son espèce, les appétits de chair et de la chair allaient souvent de pair.
La boite de métal à roue qu’elle poursuivait de loin braqua soudain vers une zone plus sombre et un groupement dense de hangar. Cet humain était décidément surprenant, mais l’obscurité était pour elle comme le plein jour et les lumières émises par son véhicule étaient trop faciles à repérées. Un sourire gourmand barra son exquis visage et elle pourlécha ses lèvres purpurines tout en stimulant la pointe de ses longues canines qu’elle imaginait déjà plonger dans la veine de sa proie pour en aspirer le délicieux nectar de vie…
Elle poursuivit son périple au milieu des hangars, les deux points rouges signalant sa cible à quelques centaines de mètres devant elle. Les odeurs nauséabondes de la pollution humaine lui chatouillaient désagréablement les narines, mais elle avait fini par s’habituer au phénomène qui avait commencé deux siècles plus tôt, l’odeur de pétrole raffiné remplaçant la puanteur du crottin des chevaux…
Sa proie disparut brusquement à sa vue. Oh ! Cela promettait ! Elle poursuivit tranquillement, sans accélérer et repéra aisément les traces laissées sur la chaussée par les roues à l’endroit où la voiture avait tourné. Elle vit rapidement que la voie était sans issue. Elle fut, quelques instants, méfiante : cela pourrait-il être un piège ? Mais ses sens aiguisés la rassurèrent rapidement : non, l’humain avait garer son char mécanique au bout de l’impasse. Elle put alors repérer son odeur dans laquelle flotait un soupçon de stress : il devait ressentir qu’il était suivi, mais pas encore au point de paniquer… Elle saurait changer cet état de fait… oh oui ! Il allait avoir peur ! Et son sang gorgé d’ocytocine n’en serait que meilleur.
Elle commença sa traque dans le labyrinthe de palette. L’humain avait pris de l’avance mais, malgré ses tours et détours, il se dirigeait globalement tout droit vers un grand bâtiment sombre au fond du terrain vague. Mais elle s’amusa à passer par tous les endroits où il était passé pour le simple plaisir de faire durer la traque.
Comme elle s’y attendait, la piste aboutissait à une petite porte métallique qui disparaissait dans l’ombre du mur en béton du bâtiment. Aucune lumière artificielle ne venait éclairer l’endroit.
Elle tira sur la poignée et le battant s’ouvrit, non verrouillé. Tendant l’oreille, elle ne repéra aucun son suspect et s’engagea dans les ténèbres du hangar. Le dédale de couloirs et de pièces vides totalement dépourvus du moindre éclairage ne la ralentit qu’à peine, ses autres sens ultra aiguisés prenant le relai.
Puis enfin elle sentit qu’elle atteignait le centre du bâtiment, une gigantesque salle. Au centre, allongé sur quelque chose, probablement un socle ou une table, se trouvait un humain. Elle s’en approcha. L’humain était légèrement frissonnant, il sentait sa présence, mais ne pouvait manifestement pas bouger… Elle s’approcha et toucha sa peau nue et les liens qui le tenait immobile. Elle entendit son souffle rauque accélérer lorsque ses doigts effleurèrent ce qui devait être le torse de sa proie… Mais qui l’avait ainsi ligotée ? A peine l’idée lui traversa l’esprit qu’elle se senti soudainement entourée de tout un tas de présences. Puis une lumière crue et aveuglante la paralysa sur place. On l’avait bel et bien piégée, mais sa fierté et sa faim lui avait fait ignorer toutes les alertes que ses sens lui avaient pourtant hurlés tout au long de cette traque bien trop simple…
Les créatures autour d’elle prirent leur souffle, elle se savait vaincue, mais se préparait à vendre chèrement sa peau, mais au lieu des hurlement de la meute, elle entendit des dizaines de voix chanter :
« Joyeux anniversaire Taibaka ! Joyeux anniversaire taibakaaaaa… »
La mâchoire inférieure de la vampire ancestrale en tomba de stupeur. Alors qu’enfin les éclairs rémanents de la brusque apparition de la lumière se dissipaient elle vit tout autour d’elle les représentant locaux de toutes les espèces monstrueuses qui faisaient trembler les humains dans leur lit : Yttrium le Croque Mitaine, Ellana la Harpie, des trolls, loup-garou et autres lycanthropes… Et ficelé nu dans du ruban pour cadeau de noël, l’humain qu’elle avait pourchassé offert tel un délicieux dessert.
Derrières tout ce beau monde, le monstre masqué au haut de forme qui l'avait entrainée là dedans souleva son chapeau dans un noble salut.
FIN
Édité le 30 November 2022 - 18:54 par Arnaud75