[Pour l'ambiance musicale pendant votre lecture : https://www.youtube.com/watch?v=gYI8E4OHEWM ;) ]
Une décennie.
10 ans.
3652 jours.
87648 heures.
Inutile de calculer les minutes : le montant de cycle horaire se suffit à lui même.
Cela fait tout ce temps que ce conflit dure.
Je n'en peux plus. C'est sans fin.
Ils arrivent... et ne prennent même plus le temps de parler. Tout s'enchaine comme une musique répétitive. Je n'ai même pas fini de faire mon rapport de mission qu'ils se tournent vers les trois affreux, savant à l'avance ce qui va se passer. Pauvres Roger, Robert et Raoul. Dans le temps, leur petit numéro avait de l'effet. Je me souviens comme si c'était hier, de certains d'entre eux se mettant à hurler quand mes collègues de travail belliqueux se révélaient à leur vue. J'ai tout entendu à cette époque, comme réaction. "OH MON DIEU, ON VA TOUS MOURIR", "Hé, DarkSasuke69, regarde, on dirait ta soeur mdr", "ah non moi je touche pas à ça, en plus je parie qu'ils sont pas vegans". Au début je partageais leur angoisse. Leurs craintes. Je ne comprenais pas... Puis j'ai fini par prendre conscience de la boucle infernale dans laquelle j'étais plongé.
Et peut-êtres qu'eux aussi, à la longue. Non, pas les triosomiques avec leur blasters à photons... les autres. Les invités inopinés. Ceux qu'on nous envoie, à n'importe quelle heure, avec leur niveau de compétence aléatoire... Avant, ils arrivaient par groupes de 4 ou 5... Maintenant, ils viennent han solo ou duo. Au grand maximum, par deux ils vont, ouais... Ils arrivent sur site, me trouvent, m'adressent un regard en biais, et peut importe ce que je vais débiter comme mots, ils se lancent dans leur besogne. Il est même arrivé que je n'aie même pas le temps de mon fidèle SG1, et PAF! les triplés sont déja en purée d'aliens. Bha, ça m'économise des balles.
Mais j'éprouve une sensation étrange. Un sentiment, une émotion. De la frustration peut-être. Ma mission me semblait capitale à ma prise de fonction. Elle doit toujours l'être pour les hautes sphères de Centralis, car de ma retraite, il n'est toujours pas question. 10 ans... 10 ans bon sang! 10 ans à surveiller la même épave spatiale d'où émergent toujours les trois zouaves. Eux ne semblent pas avoir compris qu'ils sont dans le même cercle vicieux que moi. Au début, ils m'ont plus souvent fait manger mes triples qu'à mon tour. Mais désormais la tendance est largement inversée. Et ce, sans que j'en donne l'indication à nos visiteurs. Ca a commencé à se détériorer il y a quelques ans : je m'étais bien rendu compte du changement de faune. 'pis ça parlait déja bizarrement. Des mots étranges pour lesquels je n'ai jamais été formé à l'académie militaire. "Loot", "drop", "pexx", "afk cinématique"... J'ai essayé de comprendre ce dialecte et leurs guimiques. J'y suis partiellement arrivé, et je n'en suis pas peux fier. Je suis convaincu que /rude est, par exemple, une marque de respect qu'on l'on formule à un adversaire valeureux. Mais il me reste tant à apprendre d'eux... et ils ne restent jamais assez longtemps pour que je puisse échanger et en apprendre sur leurs us et coutumes.
Qu'il est loin le temps où ils se sortaient difficilement de cet affrontement contre cette menace extra-terrestre. Je me rappelle de tant d'anecdotes... Et je me demande si c'est normal. Mais certaines sont tellement croustillantes et insolites. Comment les oublier? Cette fois et cet élémentaliste s'est planté de potion pour régénérer ses points de magie, et a pris son l'élixir d'huile enflammée à la place... Le résultat a été inattendu. Certes il n'a pas pu soigner ses alliés. Mais au moins il a cramé toute la forêt. Et ses alliés aussi. Et les Predz' aussi. Une stratégie comme une autre.
Ou cette fois où le groupe avait deux invocateurs. Ils en sont venus à s'insulter -et paradoxalement se montrer des signes de respect avec leurs bras- pour une robe. Moche en plus. Bleue et noire. ou blanche et dorée, j'sais plus. "maiiiiis tu comprends, j'ai besoin de critiiiique" "que dalle, ça va pas avec ta spéééé". De tels arguments qu'ils étaient les seuls à comprendre. Leurs amis sont partis de la zone et ils sont restés une demi-heure à s'invectiver. Je ne sais pas si c'était une aubaine pour moi de pouvoir les observer, car tant qu'ils étaient présents, le reset d'instance ne pouvaient pas s'effectuer.
Mais tout cela est bien loin désormais, car comme je le disais, ils passent, comme des âmes en peine, sans lacher une parole -au mieux un grognement d'agacement quand ils ne me trouvent pas dans le buisson habituel, un de mes petits péchés- qui n'apprécient plus les vicissitudes de la vie. Alors ce n'est pas mon cas, car j'aime la vie, je danse la vie, je chante la vie, je ne suis qu'amour pour mon travail. Et pourtant, personne n'est là pour me demander d'où me vient cet amour pour une tâche si terriblement répétitives, qui me pousse à entreprendre de rester constamment au même endroit pour répéter la même litanie et les mêmes erreurs. C'est à se demander si c'est une bonne situation ça, Arnold.
Oula, ça y est, je recommence à parler tout seul. Enfin n'en prends pas offense Alphonse hein, mais tu es un arbre. Donc tu ne comptes pas.
Mais on ne m'ôtera pas l'idée que tout comme j'en perds mon accent teuton à force de ne plus finir mes phrases, "ils" en perdent la flamme quand ils passent par ici.
Peut-être devrais-je prendre... des initiatives? Qu'en dis tu Alphonse? Que se passerait-il si je posais des mines à l'endroit où nos passants si impolis se matérialisent? Qu'est ce qu'ils vont faire là haut, hein? M'envoyer à la retraite? ENFIN?!
...Tu as raison Alphonse. pour ça, il faudrait que j'aie des mines. Laisse-moi maintenant. Je dois ruminer cette nouvelle déception.
Bon.
D'accord.
C'est moi qui me déplace.
Mais c'est bien parce que tu es enraciné. Que ça ne devienne pas une habitude, hein.