On me désigne une victime...
Encore lui... pourquoi pas après tout...
Sylvian sifflotait gaiement l'air de son générique préféré tout en guidant d'une main experte son avatar de prêtre de l'infini niveau 100 of the dead, pour citer la recrue la plus perturbante de Six. La domination absolue sur le haut du classement de sa guilde inspirait la terreur à tous les joueurs qui croisaient sa route, ceux de sa faction s'inclinant modestement, ceux des factions adverses courant en hurlant.
Jusqu'à ce qu'il tombe sur cette courte silhouette encapuchonnée surmontée d'un curseur écarlate qui non seulement ne dégagea pas le passage, mais lui grogna littéralement dessus pour réclamer qu'il aille voir sur Piratas si les habitants des îles Kebab avaient des tatouages de macaques sur les fesses...
Outré d'un tel manque de respect, le Prêtre en tenue verte fracassa la crâne de l'importune d'un coup de son bâton du dédain, expédiant d'un seul coup cet avatar malpoli au cimetière.
Le son caractéristique produit par une pierre de résurrection fit pousser un soupir agacé au joueur de la Guilde PGM... la petite silhouette grognone, maintenant manifestement furieuse, était déjà de retour derrière lui. Il l'invita à suivre son propre conseil et à laisser jouer les grands en paix avant de lui tourner le dos. Il entendait les dents crissantes du joueur qu'il venait de camoufler, rageant derrière son écran. Il lui sembla percevoir une vague menace genre "j'aurai ta peau, mais lentement..."
Il reprit son périple, chantonnant les paroles de Collargol, l’ours qui joue en fa en sol…
Après cinq heures de jeu efficaces, le sourire satisfait du travail bien fait accroché au visage, il se leva de sa chaise de gamer pro, bouscula, comme à l’accoutumé, la stagiaire qui fournissait en café chaud et fruits frais ses camarades de Guilde et lui-même dans la gaming room pendant leurs longues séances en ligne, et alla soulager un besoin naturel.
Il fallut bien entendu que les plombs sautent au moment où il venait de commencer à uriner.
Il parvint à éviter toute éclaboussure de justesse et se guida depuis le sous-sol où se situaient les sanitaires vers les escaliers menant à un niveau éclairé naturellement à l’aide de la petite diode de son porte clé fétiche à l’effigie de son ourson favori.
Parvenu aux marches recouvertes de carrelage blanc, il sursauta en voyant ces dernières couvertes de traînées rouge-maronnasses… quelqu’un avait dû renverser la poubelle. Il déchanta en arrivant au sommet ou, crucifié sur la porte, trônait le doudou Collargol qu’il plaquait avec le plus grand soin maculé des entrailles d’un chat dont le cadavre jonchait le sol.
Il s’apprêtait à se précipiter dans la gaming room pour hurler sa rage et réclamer justice quand il se souvint que nul dans l’équipe ne savait qu’il emportait partout avec lui cette petite peluche qui l’accompagnait depuis le berceau et à laquelle il tenait plus qu’à la prunelle de ses yeux… Une personne avait trouvé son secret, qui ne pourrait passer que pour un point faible insurmontable aux yeux de son idole et patron, Master Pong, et faire de lui la risée de tout le staff.
Ravalant sa colère, il sortit comme si de rien n’était, tout en observant discrètement lequel parmi l’équipe avait pu lui jouer ce tour de cochon… Earthquake était le candidat idéal, prêt à tout pour garder le commandement de la guilde… c’est que depuis son emprisonnement, c’est Titan qui menait la danse des avatars HL … mais non, trop évident et trop subtil pour ce bourrin qui se pense irrésistible avec sa rose entre les dents. Peut être Six sinon, le commercial bien fourbe… Ou cette p….sse de Misstik qui ne supporte pas que son homme puisse se lier d’amitié avec quelqu’un d’autre…
Quand Kaulitz lui reprocha son côté grognon et hyper irritable sur un petit ton moqueur, l’invitant à aller faire une sieste réparatrice après avoir bu une camomille, il commença à avoir de sérieux doute sur le DPS du groupe… mais il n’y eut plus de petite phrase jusqu’à la fin de leur session de jeux.
C’est donc furieux et déprimé que le grand gaillard dont le nom faisait trembler les newbies d’Olydri quitta peu après trois heures du matin l’immeuble de Gigazertek pour regagner la résidence huppée et hyper sécurisée dans laquelle il logeait.
Perdu dans ses pensées, il ne remarqua qu’au dernier instant le scooter qui lui fonçait dessus toutes lumières éteintes et ne dû son salut qu’aux réflexes surhumains développés sous la houlette de Master Pong. Il s’en sortit les genoux éraflés et les habits trempés et boueux. Le «co…ard » qu’il hurla raisonna dans le vide, le chauffard ayant disparu au premier tournant
Frigorifié et nerveux, il fonça jusqu’à son appartement sous l’œil goguenard du gardien de nuit et s’y enferma à double tour avant d’agir sur l’interrupteur. La scène qui se présenta a ses yeux le glaça d’effroi : des photos de lui serrant son doudou Collargol dans toutes situations étaient placardées sur la moindre surface verticale, au plafond et étalées sur le sol, le tout couvert de graffitis injurieux à la peinture rouge.
Pris de panique, Sylvian rouvrit fébrilement les verrous, ouvrit la porte en grand… et fut aspergé d’un liquide irritant et odorant par une petite silhouette encapuchonnée et revêtue de noir des pieds à la tête pressant le bouton d’un aérosol. Il sombra quasi instantanément dans l’oubli…
Une violente douleur à la tête, les tempes qui battent furieusement… Sylvian émergea de sa torpeur la tête en bas, mains et pieds enchainées, suspendu au plafond voûté d’un sous-sol obscur en pierre de taille… une petite voix éraillé et grognone : « je te l’avais dit que j’aurais ta peau, lentement… »
La silouhette plutôt frêle d’une fille sortant de l’adolescence apparue dans la chiche lumière d’une baladeuse électrique de camping, seule source de lumière dans la pièce. Sylvian crut l’avoir déjà vue… « libère moi pouf…sse ! »
« tu n’es pas en état d’ordonner maître du dédain… » elle passa dans son dos et il sentit une vive douleur, comme une brulure le long de son échine. Il hurla. « Regarde, ça commence, lentement comme je te l’ai annoncé… ». Il vit alors qu’elle brandissait sous ses yeux un long lambeau d’épiderme constellé de goutelettes de sang. « Greijoy a eu un traitement de faveur à côté de ce que je te réserve mon Titan… tu verras, à la fin tu me supplieras d’abréger tes souffrances… mais j’aime tellement t’entendre hurler… attends, je mets le gros sel… mais pour toi il n’y aura jamais de fin » Et sous les yeux écarquillé de Sylvian la jeune femme aspira goulument le morceau de peau tout frais prélevé avant de saisir sur le sol, juste sous la tête du malheureux, la peluche encore couverte d’intestins de félin posée au centre d’un grand pentacle entouré de sigles cabalistiques. Elle laissa couler le sang d’entre ses lèvres sur l’animal artificiel
Quelques semaines plus tard dans la gaming room de Gigazertek, Six faisait faire le tour du propriétaire à la nouvelle recrue super prometteuse de la Guilde PGM… qui aurait pu se douter que la petite stagiaire en informatique qui servait de larbin à l’équipe jusque là parviendrait aussi vite à maîtriser la transe ? A croire qu’elle avait un potentiel génétique caché… Mais bref, elle arrivait à point pour prendre la relève de ce sal… de Titan qui les avait planté là…
Ah ce tableau quand il était allé chez la starlette montante : Un appartement vidé de son contenu et scotché au plafond pour tenir bien droit, une réplique imprimée en 3D du bâton du dédain, médius dressé, et ce post-it les invitant à se faire tatouer des macaques sur les fesses… Master Pong en avait fait une crise d’apoplexie !
Sérieuse comme tout, et droite comme un « i », la nouvelle prêtresse de la Guilde PGM prit le poste vacant sous les lettres « D LORD » appliquées la veille au pochoir sur le mur, ouvrit son petit sac à dos et en sortit une peluche d’ourson roux un peu tachée.
Kaulitz se moqua gentiment : « alors, on a apporté son doudou ? ».
D’une petite voix éraillée elle répondit : « c’est pas mon doudou, c’est le Titan Collargol… ».
Kaulitz eu un sursaut involontaire lorsqu’il cru une seconde que l’animal en laine et fibres synthétiques maculées de traces marrons et ocres avait tourné le tête vers lui en lui jetant un regard suppliant…*
Édité le 17 August 2020 - 17:55 par Arnaud75