Et un épisode spécial St Valentin...
Il en est de l'amour comme du hasard, la plupart des rencontres sont le fruit d'événements totalement aléatoires et fortuits... Tout commença le jour ou le haut d'une cuisse gainée de cuir heurta l'angle aigu d'une table dans un couloir de trois mètres de large...
La pauvre victime de la collision poussa un petit cri d’écureuil, attirant ainsi l’attention des personnes alentour. Elle tenta de donner le change en éblouissant les spectateurs d’un sourire éclatant, mis en valeur par un rouge à lèvres carmin du plus bel effet, et s’appuya sur le premier support à sa disposition, à savoir la fameuse table et ce dont elle était recouverte, des piles de petits livres aux couvertures en papier glacé coloré.
Malheureusement il est de notoriété publique qu’une couverture en papier glacé empilée sur des dizaines de ses semblables a tendance à glisser à la moindre sollicitation. Notre héroïne étant une adepte involontaire de l’application de la loi de Murphy, vous devinerez que non seulement l’ouvrage sur lequel elle avait pris appui décida de prendre son indépendance, mais que tous ceux situés dessous et à côté décidèrent d’en faire autant.
Sous le regard d’abord éberlué, puis hilare, de dizaines de personnes, la moitié du plateau de la table d’exposition du stand PGM STUFF de la Discord Expo 2020 vola en tous sens pendant que la loi de la gravité décidait de reprendre ses droits sur le corps de notre pauvre victime des circonstances.
Bref, Ellana qui avait décidé d’étrenner son cosplay de néogicienne en cuir à lanières, que d’aucun aurait plutôt vu dans un sous-sol au décor médiéval de certains clubs réservés à une clientèle bien particulières adepte du SM, se vautra lamentablement au milieu des light-novels et mangas dédiés au monde de Néogicia.
Emue par cet accident qui lui rappelait tant ceux qu’elle avait elle-même vécu, le dernier pas plus tard que quelques heures auparavant quand elle s’était lâchée une caisse remplie de ces mêmes ouvrages sur le pied alors qu’elle mettait en place le stand avec d’autres bénévoles, l’une des hôtesses du stand se précipita pour aider la malheureuse à se redresser.
Un rire gras ponctué d’accent méridional éclata au-dessus de leurs têtes : l’acteur de la websérie Noob qui incarnait le plus misogyne des personnages, prouvant au passage que ce n’était pas pour lui qu’un rôle de composition, railla ces deux filles à genoux par terre qui tentaient, maladroitement il est vrai, de rétablir les piles d’ouvrages : « quand Maîtresse Domina n’est pas capable de dominer son propre corps… ».
Son commentaire s’arrêta net lorsque le taquet que lui plaça la jolie brune qui incarnait l’une des némésis d’Oméga Zell dans la série, Saphir, lui cloua le bec : « tu veux qu’on parle de ton adresse lors du tournage de l’épisode de la Saint Valentin ? A croire que tu prenais réellement plaisir à te vautrer sur le corps musclé de Titan pour la scène yaoï… »
Cette diversion attira l’attention des spectateurs sur le légendaire épisode promis par Fabien Fournier et qui alimentait depuis des mois les discussions sur les forums et les t’chats.
Le triste Sire finit par invoquer l’excuse universelle du « besoin pressant » pour s’échapper en coulisse.
Toujours à ramasser les piles de livres éparpillés autour du stand, l’hôtesse s’adressa à la responsable bien involontaire de cette mini catastrophe : « Ne t’inquiète pas, c’est une grande gueule qui devrait plus souvent réfléchir avant de l’ouvrir, mais il n’est pas méchant, il est juste très timide avec les filles et cache ça sous un détestable machisme pour ne pas passer pour une buse devant les autres mecs de la bande. Et puis te voir comme ça me rappelle mon quotidien : je dois avoir des cuisses en béton armé maintenant à force de me payer les coins de tables et autre meuble… Moi c’est Indoril, et toi ? »
La jeune femme toute de cuir revêtue lui fit un timide sourire : « salut, moi c’est Ellana… »
Indoril répliqua : « LA Ellana ? La cheffe de la Guilde des adorateurs d’Ivy ? »
Ellana : « Heu, ouais, ravie de te rencontrer pour de vrai, et merci de ne pas m’avoir laissée ici toute seule, merci à toi aussi… » dit-elle en s’adressant à quelqu’un par-dessus l’épaule de son interlocutrice.
Surprise de ne pas avoir ressenti de présence derrière elle, Indoril se retourna tout d’un bloc et percuta de son front celui d’un charmant jeune homme qui était sorti de la foule pour venir prêter assistance aux deux ramasseuses.
Le choc fut assez brutal et tous deux virent trente-six chandelles avant que leurs regards, tout d’abord légèrement courroucés de cette percussion involontaire, puis écarquillés de surprise sincère, ne se croisent.
Indoril senti sa poitrine se soulever et son cœur palpiter. Elle leva une main timide pour entamer un geste d’excuse, main qui rencontra celle de cet inconnu qui faisait de même de son côté.
Ce fut comme si la foudre s’était abattue sur ces deux êtres en recherche de l’âme sœur…
Après quelques instants d’inertie, Ellana constata que ses deux aides étaient entrés dans un autre monde qui excluait manifestement le reste de celui-ci. Elle acheva tranquillement de reposer les quelques ouvrages encore épars et les laissa là, non sans avoir tenter de les arracher à leur transe en leur agitant la main devant les yeux.
Mais, qui donc la secouait ainsi ! C’était intolérable, elle était en train de faire un si beau rêve ! En plus il faisait encore sombre, certainement pas l’heure de se lever !
Une voix parvint jusqu’à elle « Ohé, les jeunes gens, là, faudrait voir à bouger de là ! On va tout fermer là ! »
Elle reprit conscience d’un seul coup. La première chose dont elle s’aperçut était qu’elle avait toujours les yeux rivés sur ceux si profond de ce jeune homme au visage si doux… lui aussi semblait s’extirper lentement de sa transe. Elle tourna la tête de droite à gauche et se rendit compte qu’il était une heure et demie du matin, et que les équipes de ménage du salon avait attendu la dernière minute pour les réveiller et leur dire de sortir de la grande halle de la porte de Versailles qui allait fermer ses portes jusqu’au petit matin.
Se tenant toujours la main, ils regagnèrent silencieusement tous les deux la sortie. Parvenus devant l’arrêt de bus, Indoril prit enfin son courage à deux mains : « Euh, au fait, comment tu t’appelles ? »
Secouant la tête pour s’éclaircir les idées, son interlocuteur bégaya : « Hein ? Heu, je… je… moi c’est heu… Escliff… »
Il ne parvint pas à en dire plus. Les douces lèvres d’Indoril virent colorier les siennes de carmin…
le reste n'appartient qu'à eux...