Prologue :

♫ Hier soir comme d’habitude, j’ai très peu dormi ♪
♪ C’matin comme d’habit’ BAAM !

Un coup de poing envoya choir le radio-réveil tandis que, sous une couette à la propreté douteuse s’agitait le chef de la guilde Justice. Ce dernier se redressa dans l’obscurité et chercha à tâtons son masque. Lorsqu’il sentit son contact lisse sous ses doigts il le prit et l’enfila avec une raideur mécanique. Ceci fait il appuya sur l’interrupteur de sa lampe de chevet IKEA et une forte clarté illumina la pièce. Malgré la petite taille des fentes du masque, la lumière l’aveugla et ses yeux ne purent s’empêcher de papillonner. L’esprit encore embrumé, Heimdäl saisit son téléphone, chancelant. Sa torture matinale s’afficha sur l’écran sous la forme de :
- 16 appels manqués
- 44 SMS
Dépité, notre héros ferma son portable pour ensuite traîner ses pieds nus aux ongles… étants ce qu’ils sont jusqu'à la pseudo-cuisine qui se résumait à un micro-ondes, une étagère encombrée de divers produits plus ou moins frais, une cafetière et un réfrigérateur où séjournaient quelques croûtes de pizzas. La journée venait à peine de commencer.

C’est en descendant sa quatrième tasse de café que le leader de la plus puissante guilde d’Horizon se souvint du jour qu’il était. Et non pas, comme certains le prétendent, en regardant le calendrier. « Allez » se murmura-t-il pour se donner du courage avant de s’avachir mollement sur son fauteuil, de placer son casque sur ses oreilles et de se connecter.

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Une fois en ligne, Heimdäl consulta ses messages privés et ce qu’il découvrit le surpris au plus au point. Des dizaines de messages lui avaient été envoyés par des joueurs et joueuses des trois factions, la plupart étaient des déclarations d’amour de Saint-Valentin (pour ceux qui n’auraient pas percuté en lisant 14/02). Chose qu’il ne s’expliquait pas trop d’ailleurs, un certain nombre venait d’hommes. Cela le mit mal à l’aise. Une autre partie des messages venait de joueurs le maudissant car l’élue de leur cœur le préférait, lui, « le masque ténébreux ». Derrière ledit masque, se dessina un petit sourire supérieur, vite chassé par l’irrépressible inquiétude qu’éprouvait le joueur à l’idée de ce qu’il allait faire.

Le joueur vérifia rapidement si, comme il leur avait demandé (enfin, supplié plutôt) aucun des membres de Justice n’était présent. Il désirait par-dessus tout de la discrétion et pour une heure de tranquillité, il avait vraiment dû insister, surtout auprès de Saphir. « Ah, ne pense pas à ça, ça va la faire venir » songea-t-il en souriant, « mais il ne faudrait pas que je sois découvert ».

Le masqué se dirigea tel une ombre en direction de Glacesang où se trouvait l’aboutissement d’une quête unique et périlleuse qu’il accomplissait dans le plus grand secret depuis plusieurs semaines. Une tâche d’une importance capitale qui le mènerait à un trésor incomparable et d’une utilité sans commune mesure. « Alors… » fit-il à voix haute « une fois le carrefour des damnés passé… il faut aller à gauche et normalement… c’est là ! » déclara-t-il avec une note d’émotion dans sa voix.

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Heimdäl se trouvait face à un sentier rocailleux qui s’enfonçait dans les ténèbres, il s’y avança sans hésitation, conscient de ses actes, et de leurs répercussions futures. Plus il progressait sur le chemin plus la végétation devenait agressive, au sens littéral du terme. Ce qui n’était que d’inconscients pissenlits soporifiques et lances-baies-putrides qui le ralentissaient devenaient des ronces empoisonnées aux épines tranchantes comme des lames de rasoir et des arbres-traîtres dotés d’une intelligence élevée (enfin, on parle de plantes quand même). Ces végétaux qui ressemblaient à de simples arbres mais qui une fois que vous arriviez à leur portée vous fouettaient de leurs branches souples. Toutes ces aberrations virtuelles sorties des imaginations sans limites des programmeurs l’affaiblissaient considérablement. Mais malgré ça, il s’obstinait à avancer, toujours plus loin et son obstination n’avait d’égale que la quantité de caféine qui déferlait dans ses veines.

Après un interminable périple de 3, 25 minutes, le chef de la guilde de Fantöm arriva au bout de sa peine. Le trajet parcouru menait à un havre de paix : une sublime clairière nimbée de lumière chaleureuse. Au sol de l’herbe si verte et si resplendissante que même le cruel Amarras n’aurait pu résister à l’envie de rouler dedans tel un enfant. Non loin, une source d’eau pure jaillissait d’entre les rochers et produisait un son apaisant. Tout autour, des fleurs aux couleurs psychédéliques embaumaient l’air d’un parfum entêtant, et dans les arbres environnants nichaient des oiseaux au chant délicat. BREF, un paysage d’une niaiserie absolue où se tenait au centre un autel de marbre blanc. Sur ce dernier reposait un étui noir et doré qui brillait de mille feux.

« Enfin… » fit Heimdäl en un souffle. Celui-ci s’approcha à pas lents et prudent de l’objet étincelant. Il faisait très attention, ne sachant pas ce qui pourrait lui tomber dessus. Une fois à un mètre de l’autel il prit d’un geste vif la boîte noir et or, se préparant au pire, mais rien n’arriva. Alors, il sortit sa pierre de téléportation qu’il avait dérobé à un joueur de l’ordre, l’utilisa et disparu dans un nuage de fumée. Au moment où la fumée se dissipait, un PNJ se matérialisa et, malgré l’absence du joueur, déclara : « Bravo, tu as trouvé l’étui de Psondyra et triomphé des dangers. Ta quête est désormais achevée. »

Heimdäl réapparut non loin de la capitale de l’ordre. Il regarda sa montre qui lui indiqua sept heures quarante-huit. Il s’étonna : « Déjà ? ça alors ! Bon… Je ne dois pas perdre de temps. Allons-y ! » Le joueur au masque se mit à courir à en perdre haleine (et tous ses points d’endurance aussi) en direction de la plaine surplombée par la citadelle de l’ordre, plaine où il avait fixé un rendez-vous « amical » à une joueuse, pas une joueuse en fait, la joueuse, celle à laquelle il ne pouvait s’empêcher de penser, la sublime brune.

Elle était ponctuelle au moins. Et agacé aussi.

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Elle bougonna un vague salut avant de continuer son attaque :

A partir de ces mots, le chef de guilde n’entendit plus rien. Nazetrimé le considérait comme le joueur le plus respectable de l’empire, le plus respectable, le plus respectable, le plus…

La fin de sa phrase fut balayée par une déflagration. Notre héros entendit un « Ha ha ! » triomphal. Vif comme l’éclair, Heimdäl se retourna pour se retrouver face à…

Il posa un temps pour réfléchir, ce qui, ne lui arrivant pas souvent, lui prit 4,56 minutes et une quinzaine de mimiques plus incongrues les unes que les autres, enfin il se décida pour : « fille ! » qu’il cracha violemment comme si ce mot lui brûlait les lèvres.

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