Extrait, début de l'épisode 61
- Karak quoi ? répéta le chevalier errant. Et puis c’est quoi un Karak ?
- Dîtes donc, c’est vrai qu’ici c’est la cambrouse mais vous venez d’où pour pas savoir un truc pareil ? D’un autre continent ? Un Karak, c’est une citadelle naine planquée dans une montagne. C’est là où je bosse. Je suis l’espion attitré du seigneur Arzhiel.
Le métis nain frappa fièrement sa poitrine avant d’esquiver de justesse un paysan pris de nausées qui jaillit de la taverne du village. L’espion retint la porte et invita son nouvel ami à entrer.
- Vous m’avez bien dit que vous n’aviez plus de situation ? demanda-t-il en s’asseyant à une table dans la salle bondée de fermiers profitant de la fin d’une journée de labeur.
- J’étais au service d’un seigneur, répondit l’humain, mais nous ne partagions pas la même notion de loyauté et nous nous sommes séparés.
- C’est-à-dire ?
- J’ai tapé dans la caisse, il m’a viré.
- Oh, ça c’est rien ! Moi je le fais tout le temps au Karak, j’ai toujours mon poste ! Nous les nains, derrière notre aspect engageant et charmeur, sommes de vrais frères d’armes. Je peux vous dégotter un travail au Karak en vous pistonnant, vous savez. On est ouverts et souples. Depuis l’an dernier, on laisse rentrer les chiens et les humains. Ça le fait ?!
- Mais il est comment votre seigneur Ariel là ?
- Euh, Arzhiel, rectifia l’espion. Il ne va pas tarder à arriver, vous pourrez le voir. A cette heure-ci, le concours de boustifaille doit être terminé et la troupe va venir fêter ça en se retournant la tête ici. A la vallée, c’est toujours plus sympa niveau ambiance, on finit toujours pas se foutre sur la gueule avec les pécores du coin.
- C’est…intéressant.
- Que dire sur Arzhiel ? Il grogne, il râle, il peste et il se plaint, mais en dehors de ces qualités de nain, sa principale tare, c’est son épouse. C’est une elfe.
- Sérieux, une elfe ? Avec les oreilles et les os tout saillants et tout et tout ?
- Et une sorcière puissante en plus, se lamenta le demi-nain. Arzhiel l’a eue en récompense d’une quête dans sa jeunesse. Elenwë, c’est son nom. Il croyait que c’était un artefact magique qu’il pourrait revendre. Du coup, il a du l’épouser et il s’est fait bannir pour ça. Il a monté son Karak dans la région avec l’elfette. Elle est blonde, aime la salade, change tout le monde en bestiole et traite les autres comme la poussière qu’elle écrase sous ses pas.
- Ah oui, je vois, acquiesça le chevalier. Une elfe, quoi.
- C’est ça. Oh, j’oubliais ! Elle est enceinte et attend un héritier. Un métis comme moi. A mon avis, ils lui jèteront plus de pierres que moi à sa naissance au lardon. Svorn a juré de lancer cent quarante malédictions si on ne sacrifiait pas le bébé et ses parents à Gazul.
- Gazul ? Svorn ?
- Gazul, c’est le boss au-dessus de notre boss Arzhiel. C’est le dieu nain des morts et patron des cordonniers je crois. A vérifier quand même, j’ai un doute. C’est peut-être celui des teinturiers…Et Svorn, c’est le haut prêtre, le chef religieux du Karak. Il forme et mène les lanceurs de runes au combat. C’est un vieux qui renarde comme un pagne d’orque, chauve et complètement hystérique. Il hait les autres races, il déteste ses comparses et rêve de renverser Arzhiel pour prendre le pouvoir. Attendez que je retrouve mes fiches…Il aime la torture, asservir, brûler et la broderie.
- Ça donne envie de devenir son ami, ironisa le chevalier étranger.
- N’y comptez pas trop. Les humains, c’est pas sa tasse de bière. On en a un dans l’état-major, il ne peut pas le blairer.
- Vous comptez un humain parmi les vôtres ?
- Ségodin, oui, répondit l’espion en se jetant sur le pichet de vin apporté par la serveuse. Un chevalier aussi. Tout grand, niais, bourgeois, un peu tapette. On l’a embobiné en lui faisant jurer loyauté à Arzhiel parce qu’il était amoureux d’Elenwë, son épouse. Ouais, il est un peu bizarre et pas mal pathétique. Mais on l’aime bien avec les copains. L’ennemi le vise toujours en premier à la bataille comme il dépasse un peu de nos rangs, ça nous permet d’avancer à l'abri.